Une banque fait inscrire deux hypothèques conventionnelles sur l’immeuble de l’un de ses débiteurs, une SCI. Par la suite, l’immeuble est vendu et le notaire remet à la SCI cédante l’intégralité du prix de vente, sans procéder à la purge des hypothèques. La banque assigne le notaire en responsabilité et indemnisation.
La cour d’appel dégage la responsabilité du notaire. Pour elle, puisque la banque créancière n’a pas exercé son droit de suite, elle ne justifie pas d’un préjudice certain tiré de la perte de toute possibilité de recouvrer sa créance.
Cassation. La responsabilité des professionnels du droit ne présente pas un caractère subsidiaire. Le dommage subi par la faute du notaire est certain, même si la victime dispose contre un tiers d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute et propre à assurer la réparation du préjudice.
A noter : le notaire qui commet une faute ou une négligence dans l’accomplissement de sa mission engage sa responsabilité civile professionnelle, dès lors qu'il résulte de ce manquement un préjudice indemnisable. Cette responsabilité est de nature délictuelle (C. civ. art. 1240). La Cour de cassation réaffirme ici son caractère non subsidiaire (voir notamment Cass. 1e civ. 25-11-2015 n° 14-26.245 F-PBI : RJDA 3/16 n° 182 ; Cass. 1e civ. 22-9-2016 n° 15-13.840 FS-PB). Pour être indemnisable, ce préjudice doit être certain. Dans notre affaire, la cour d’appel rejette l’action en responsabilité contre le notaire sur ce fondement : le créancier hypothécaire dispose d’un droit de suite sur l’immeuble en quelque main qu’il se trouve (C. civ. art. 2461). Ne l’ayant pas exercé, il avait encore une chance d’être payé et son préjudice n’était donc pas certain. Elle reprend en cela une solution classique de la Cour de cassation (Cass. 1e civ. 1-4-2003 n° 99-16.610 F-D ; Cass. 1e civ. 11-2-2010 n° 08-21.565 F-D ; Cass. 1e civ. 27-2-2013 n° 12-16.891 F-PB). Ce préjudice ne devient certain que si le créancier hypothécaire parvient à démontrer que le recouvrement de sa créance est impossible. Dans le cas contraire, le seul préjudice dont peut se prévaloir le créancier est celui du retard dans le paiement de sa créance.
Alors que le créancier hypothécaire n’avait pas apporté une telle démonstration dans notre affaire, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Mais le préjudice certain subi par le créancier et dont le notaire est responsable n’est alors plus de ne pas être payé, mais de ne pas être payé au moment de la vente…
Cette question de la responsabilité du notaire est particulièrement complexe et génère une jurisprudence pas toujours cohérente lorsque la victime dispose, en plus de l’action en responsabilité civile contre ce dernier, d’une voie de droit contre un tiers qui lui permettrait de rétablir la situation ; elle mériterait d’être clarifiée (pour un éclairage sur ce point, voir D. Sindres : La responsabilité civile des professionnels du droit est-elle subsidiaire ? : Dalloz 2016 p. 553).
Claire BABINET
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento des Particuliers n° 52012