Si l'enregistrement d'une marque a été demandé en fraude des droits d'un tiers, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ou demander son annulation (CPI art. L 712-6 et L 714-3).
Après avoir mis en place, en juillet 2007, un service de mise à disposition de bicyclettes en libre service dénommé « Vélib' » puis, en 2011, le même service portant sur des voitures électriques, dénommé « Autolib' », la Ville de Paris fait procéder à l'enregistrement de diverses marques déclinant les termes « Vélib' » et « Autolib' ». Elle dépose ensuite la marque « Scootlib' Paris » puis réclame l'annulation pour fraude de ce même signe, déjà enregistré en tant que marque, par une autre société pour désigner un service de location payante de scooters proposé dans toute la France.
La Ville fait valoir que la fraude doit faire l'objet d'une appréciation globale, en tenant compte notamment de la notoriété exceptionnelle du service « Vélib' » dès son lancement, de la connaissance de ce succès par la société ayant déposé la marque « Scootlib », de l'utilisation par cette dernière d'un visuel en référence directe aux codes graphiques adoptés pour promouvoir le service « Vélib' » et du fait que, comme elle, cette société a une activité de mise à disposition d'engins de déplacement.
La Cour de cassation écarte ces critiques et juge que l'absence de fraude a pu être déduite du fait qu'il n'était pas établi que la mise en œuvre d'un projet « Scootlib' » avait fait l'objet d'une évocation publique par la Ville de Paris avant le dépôt de la marque du même nom par la société concernée, ni que cette société ait eu connaissance du projet au jour du dépôt de sa marque, et ce d'autant que la communication faite autour du Vélib' révélait une volonté politique de désengorger Paris de ses véhicules à moteur et de promouvoir le vélo.
A noter : Le dépôt d'une marque est frauduleux, même si celui qui l'invoque ne dispose pas de droits antérieurs sur le signe litigieux, lorsqu'il est utilisé dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité : tel n'est pas le cas, juge la Cour de cassation, si le déposant ne pouvait pas savoir au moment du dépôt que le signe serait déposé plus tard comme marque pour désigner un produit identique au sien (Cass. com. 25-4-2011 n° 10-26.201 : RJDA 2/12 n° 216). En l'espèce, l'existence du service « Vélib' » et son éventuelle connaissance par le déposant de la marque « Scootlib' » suffisaient-elles à établir la mauvaise foi de ce dernier ? Pas nécessairement, juge la Cour de cassation, qui approuve les juges du fond (CA Paris 26-5-2017 n° 16/06791 : BRDA 15-16/17 inf. 17) : il s'agit là d'éléments essentiellement factuels relevant du pouvoir souverain des juges du fond.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 32480 et 32518