Les dispositions du Code de la consommation régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables à la convention de compte courant à vocation professionnelle, ni aux facilités de trésorerie qui y sont expressément rattachées par avenants. La vocation professionnelle d'un compte courant s'apprécie à la date de la convention d'ouverture, peu important les conditions ultérieures dans lesquelles le titulaire l'utilise dès lors que les parties n'en ont pas modifié la destination contractuelle.
La Cour de cassation a été appelée à énoncer ce principe dans l'affaire suivante.
Une banque consent à un avocat une ouverture de compte courant « professions libérales ». Par deux avenants, elle lui accorde deux facilités de trésorerie pour une durée indéterminée. Quelques années plus tard, elle dénonce ce découvert et poursuit l’emprunteur en paiement ; ce dernier lui oppose alors la prescription de son action en se fondant sur les règles issues du Code de la consommation.
La Cour de cassation rejette les prétentions de l'emprunteur en retenant le caractère professionnel du compte. En effet, il résultait de la simple lecture de la convention de compte courant que celle-ci avait été conclue dans un cadre professionnel et eu égard à l'activité libérale exercée par l'emprunteur, de même que les deux facilités de trésorerie qui étaient liées à l'existence de la convention de compte courant, lesquelles ne faisaient aucune référence aux dispositions du Code de la consommation. Dès lors que la convention de compte courant et les deux accords de découvert avaient une vocation professionnelle, il importait peu que, postérieurement à l'ouverture du compte, l'emprunteur se soit associé avec d'autres avocats au sein d'une société civile professionnelle, aucun texte d'ordre public n'interdisant à un avocat de conserver un compte professionnel dans cette situation.
A noter :
La destination d'un prêt, qui conditionne son assujettissement ou non aux dispositions du Code de la consommation, dépend de ce qui est expressément prévu par le contrat de crédit, indépendamment de l'usage réel qui est fait du bien financé (Cass. 1e civ. 20-12-2007 n° 06-16.543 F-PB : RJDA 4/08 n° 448 ; Cass. 1e civ. 3-6-2015 n° 14-11.518 F-D : RJDA 11/15 n° 777). La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé que, concernant une convention de compte courant à vocation professionnelle, les dispositions régissant le crédit à la consommation ne sont pas applicables même si le compte fonctionne à découvert (Cass. 1e civ. 14-10-2015 n° 14-21.894 F-PB : RJDA 12/15 n° 859). L'arrêt commenté s'inscrit dans la continuité de cette jurisprudence.
A l'occasion de son pourvoi, l'emprunteur soutenait que la vocation professionnelle de la convention de compte courant devait s’apprécier in concreto en tenant compte, non seulement des stipulations de la convention, mais également de l’utilisation effective qu'il avait ensuite faite du compte. Il avait aussi relevé que le compte courant sur lequel la banque lui avait accordé des facilités de trésorerie était certes un compte professionnel lors de son ouverture en 1998 mais qu'il était devenu un compte personnel au moment où l'emprunteur avait intégré une société civile professionnelle d’avocats, début 2002.
La Haute Juridiction ne reçoit pas ces arguments. La destination d'un compte courant doit s'apprécier au regard de la volonté des parties exprimée dans la convention d'ouverture du compte. S'il en résulte que le compte est ouvert à des fins professionnelles, il conserve cette vocation même s'il est ensuite utilisé pour les besoins personnels de son titulaire, dès lors que les parties n'en modifient pas la destination contractuelle.
Cette solution est doublement justifiée. D'abord, au regard du devoir de non-immixtion de la banque dans les affaires de son client, impliquant qu'elle n’aura pas nécessairement connaissance de l’usage fait du découvert consenti. Ensuite, au nom de la sécurité juridique : adopter une solution contraire, en appréciant la destination en fonction de l'usage que l'emprunteur fait des fonds, créerait une insécurité en faisant dépendre la qualification de l'opération, sa validité et son régime de circonstances postérieures à la conclusion du contrat et gouvernées par la seule volonté de l'emprunteur.