Le Code de la sécurité sociale instituait déjà, sous forme embryonnaire, un droit à l’erreur en cas de retard dans le paiement des cotisations ou leur déclaration (CSS art. R 243-19-1) ainsi que, depuis 2016, en cas d’inexactitudes dans les déclarations (CSS art. R 243-10).
Le décret 2019-1050 du 11 octobre 2019 amplifie et clarifie ce droit à l’erreur qui se traduit par une remise automatique des majorations et pénalités pour les infractions les moins graves ainsi que, en cas de travail illégal, par une modulation des annulations d’exonération de cotisations en fonction du montant des rémunérations concernées.
L’article 6 du décret fixe son entrée en vigueur au 1er janvier 2020, ou pour ce qui concerne la remise des majorations et pénalités en cas de contrôle, au 1er avril 2020.
Les nouvelles règles sont très largement applicables au recouvrement des cotisations sociales dues au titre des salariésagricoles. L’article 3 du décret modifie ou abroge à cet effet plusieurs articles du Code rural et de la pêche maritime qui renvoient désormais aux règles du régime général.
Remise automatique des majorations et pénalités
Dans le corpus réglementaire issu du décret du 11 octobre 2019, il convient de distinguer la remise des majorations dont sont passibles les redressements suite à contrôle, désormais régis par des règles spécifiques, de la remise des autres majorations et pénalités.
Cas général
Dans le cas général, le droit à l’erreur se décline sous deux formes : le droit à l’erreur dans les déclarations et le droit à l’erreur dans le paiement.
Le premier ne concerne que les employeurs mais le second intéresse tous les cotisants, c’est-à-dire toutes les personnes redevables de cotisations et contributions auprès des Urssaf ou, en Outre-mer, des CGSS (CSS art. R 243-1 nouveau).
Ces deux droits sont respectivement codifiés aux articles R 243-10 et R 243-11. Ils reprennent, en les clarifiant et les complétant, les dispositions antérieurement prévues par les articles R 243-10 et R 243-19-1 du CSS.
Le nouveau dispositif ne prévoit pas de remise automatique des pénalités appliquées en cas de production tardive des déclarations. Pour ces pénalités, il conviendra donc, le cas échéant, de déposer une demande de remise gracieuse.
Erreurs déclaratives d’un employeur
L’erreur doit être corrigée et être peu importante ou rectifiée rapidement
Si des erreurs sont constatées dans ses déclarations de cotisations et contributions sociales, l’employeur échappe aux majorations de retard et aux pénalités y afférentes (CSS art. R 243-10 modifié) :
a. si ces erreurs sont corrigées lors de l'échéance déclarative la plus proche et donnent lieu au versement, à la même échéance, du complément de cotisations et de contributions sociales correspondant ;
b. et si l'une des conditions suivantes est remplie :
- la déclaration rectifiée et le versement régularisateur sont adressés au plus tard lors de la première échéance suivant celle de la déclaration et du versement initial ;
- ou le montant des majorations et pénalités qui seraient applicables est inférieur à la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale ;
- ou le versement régularisateur est inférieur à 5 % du montant total des cotisations initiales.
Le droit à l’erreur joue même si la rectification fait suite à une demande
L’article R 243-10 nouveau du CSS vise tant les cas où l’employeur corrige ses déclarations de sa propre initiative que ceux où il le fait à la demande de l'organisme de recouvrement.
Il semble que le droit à l’erreur peut jouer que la demande soit formulée par l’organisme après une vérification de la déclaration ou, sauf précision contraire ultérieure de l’administration, par un inspecteur du recouvrement lors de la phase contradictoire d’un contrôle.
Quelles sont les majorations et pénalités concernées ?
La correction de la déclaration dans les conditions prévues ci-dessus permet d’échapper aux sanctions suivantes :
- majorations de retard dues en cas de paiement tardif des cotisations et contributions ;
- pénalités pour inexactitude ou omission dans la déclaration.
Toutefois, comme auparavant, le droit à l’erreur ne joue pas en cas d'omission de salariés dans la déclaration ou d'inexactitudes répétées du montant des rémunérations déclarées (CSS art. R 243-10 modifié).
On notera que la notion d’inexactitudes répétées n’est pas définie par le Code de la sécurité sociale. Elle mériterait pourtant d’être précisée car elle pourrait limiter considérablement la portée du droit à l’erreur. Faut-il considérer qu’une erreur commise sur plusieurs déclarations successives constitue une répétition d’inexactitudes ? Ou bien le caractère répétitif sera-t-il retenu uniquement si une erreur est à nouveau commise alors que l’organisme a déjà formulé une demande de rectification d’une inexactitude similaire ? La deuxième interprétation nous semblerait la plus propice à inciter les employeurs à corriger spontanément leurs déclarations. Mais un éclairage de l’administration sur ce point serait le bienvenu.
Paiement tardif d’un cotisant
Lorsque le cotisant n'a pas versé les cotisations et contributions sociales dont il est redevable à la date d'exigibilité, les majorations de retard ne sont pas dues si les conditions suivantes sont remplies (CSS art. R 243-11 nouveau) :
- le cotisant s’acquitte des cotisations dans les 30 jours (ou souscrit, dans ce même délai, un plan d'apurement avec son organisme de recouvrement et en respecte les termes) ;
- aucun retard de paiement n'a été constaté au cours des 24 mois précédents ;
- le montant des majorations qui seraient applicables est inférieur à la valeur mensuelle du plafond de la sécurité sociale.
Attention : cette remise automatique des majorations n’est possible que si le cotisant respecte ses obligations déclaratives (CSS art. R 243-11).
Redressement suite à contrôle
Jusqu’à présent en cas de redressement suite à contrôle, le redressement était passible (CSS art. R 243-18 en vigueur jusqu’au 31-12-2019) :
- d'une majoration principale de 5 % ;
- et d’une majoration complémentaire de 0,2 % par mois ou fraction de mois écoulé à compter du 1er février de l'année qui suit celle au titre de laquelle les régularisations sont effectuées (ramenée à 0,1 % en cas de paiement du redressement dans les 30 jours suivant l'émission de la mise en demeure).
Le décret 2019-1050 du 11 octobre 2019 revoit ce régime afin de moduler les sanctions appliquées en fonction de la gravité des manquements constatés.
Ce nouveau régime, prévu par l’article R 243-17 nouveau du CSS, entre en vigueur le 1er avril 2020 (dans les conditions exposées ci-après).
Pas de majoration principale sauf si l’infraction est grave ou le redressement élevé
Le décret prévoit que la majoration de 5 % n'est pas applicable au redressement sauf (CSS art. R 243-17 nouveau) :
- si le montant global du redressement est au moins égal à la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale en vigueur à la date de sa notification ;
- ou si le cotisant fait l'objet, au titre de la période contrôlée, d'une pénalité ou d'une majoration pour l’un des motifs suivants : abus de droit, absence de mise en conformité avec les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, travail dissimulé ou obstacle à contrôle.
Pas de réduction de la majoration complémentaire si l’infraction est grave
La majoration complémentaire de 0,2 % est maintenue en l’état. Elle continue en particulier d’être réduite à 0,1 % en cas de paiement dans les 30 jours.
Il est toutefois désormais précisé que cette réduction ne s’applique pas aux majorations et pénalités mentionnées aux articles L 243-7-2, L 243-7-6, L 243-7-7 et L 243-12-1 (CSS art. R 243-17 nouveau). Cette rédaction ambigüe semble signifier que, même réglé dans les 30 jours, le redressement reste passible du taux de 0,2 % si le contrôle donne lieu à l’application d'une pénalité ou d'une majoration pour l’un des motifs suivants : abus de droit, absence de mise en conformité avec les observations notifiées lors d'un précédent contrôle, travail dissimulé ou obstacle à contrôle.
Une entrée en vigueur en avril 2020
Les dispositions du nouvel article R 243-17 du CSS s'appliquent aux mises en demeure émises à compter du 1er avril 2020. Toutefois, le troisième alinéa de l'article R 243-18 du CSS dans sa version en vigueur avant l'entrée en vigueur du décret reste applicable jusqu'au 31 mars 2020 aux situations relevant des dispositions de l'article R 243-17 dans sa rédaction issue du présent décret (Décret 2019-1050 du 11-10-2019 art. 6).
Ces règles d’entrée en vigueur mériteraient d’être clarifiées par l’administration. Dans cette attente, il nous semble que l’on peut considérer que les nouvelles dispositions s'appliquent aux mises en demeure émises à compter du 1er avril 2020 mais, pour les périodes courant jusqu’au 31 mars 2020, le cotisant ne peut être privé de la réduction du taux de la majoration complémentaire à 0,1 % s’il effectue son règlement dans les 30 jours.
Modulation des annulations d’exonération
Lorsqu’une infraction de travail dissimulé, de marchandage, de prêt de main-d'œuvre illicite ou d’emploi d'un étranger non autorisé à travailler est constatée, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, des cotisations de sécurité sociale, des cotisations dues au titre des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires et des contributions d'assurance chômage, Fnal et solidarité autonomie peut être supprimé (CSS art. L 133-4-2, I).
La loi 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a instauré une dérogation à ces dispositions. Ainsi, l’annulation des réductions et exonérations est partielle si la dissimulation d'activité ou d'emploi salarié résulte uniquement d'un cas de requalification de la prestation de service à un donneur d'ordre en relation salariée ou représente une proportion limitée de l'activité (CSS art. L 133-4-2, III).
Les conditions dans lesquelles la dissimulation peut être considérée comme limitée devaient être déterminées par décret, sans que la proportion de l'activité dissimulée puisse excéder 10 % de l'activité. C’est chose faite avec le décret du 11 octobre 2019.
L’annulation partielle des réductions et exonérations de cotisations est donc applicable lorsque les sommes assujetties à la suite du constat d’une des infractions précitées n’excèdent pas 10 % des rémunérations déclarées au titre de la période d’emploi faisant l’objet du redressement pour les employeurs de moins de 20 salariés et 5 % dans les autres cas (CSS art. R 133-8 nouveau).
On rappelle que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 envisage d’étendre cette dérogation aux cas où la dissimulation représente une proportion limitée des salariés régulièrement déclarés et de la rendre applicable au donneur d’ordre.
Valérie MAINDRON
Pour en savoir plus sur le contrôle du calcul et du paiement des cotisations : Voir Mémento Social nos 24200 s.