Au décès de ses parents, un fils porte plainte avec constitution de partie civile contre son frère pour abus de faiblesse. Il lui reproche d’avoir profité d’une procuration générale pour s’immiscer dans les affaires de leurs parents, vendre à un prix inférieur à celui du marché leur galerie et plusieurs œuvres d’art, disperser leurs avoirs financiers et capterune partie importante de leur patrimoine.
Le juge d’instruction rend une ordonnance de non-lieu, estimant que les faits ne sont pas suffisamment caractérisés, mais le fils fait appel. La chambre de l’instruction juge son action irrecevable : l’infraction portait seulement préjudice à ses parents, or ces derniers n’ont déposé aucune plainte de leur vivant. Faute de préjudice direct et personnel, le fils des victimes ne pouvait se constituer partie civile.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. Elle précise que les proches de la victime d’une infraction peuvent rapporter la preuve d’un dommage dont ils ont personnellement souffert et qui découle directement des faits qui font l’objet de poursuites pénales. Or, la partie civile évoquait un préjudice personnel et direct résultant des infractions dénoncées. La constitution de partie civile ne pouvait donc pas être rejetée au stade de l’instruction.
A noter : Il n’est pas rare que l’infraction d’abus de faiblesse soit découverte à la mort de la victime, au moment du règlement de la succession. Dans une telle situation, les héritiers peuvent-il déclencher des poursuites pénales, soit en citant directement l’auteur de l’abus devant le tribunal correctionnel, soit en se constituant partie civile devant le juge d’instruction ? Estimant que seule la victime qui a personnellement souffert de l’infraction dispose d’une telle prérogative, et que le préjudice de l’héritier n’est qu’indirect, la jurisprudence répondait jusqu’à présent par la négative (Cass. ass. plén. 9-5-2008 n° 06-85.751 PBRI : D. 2008 p. 1415 ; Cass. crim. 20-5-2008 n° 06-88.261 FS-PBI : D. 2008 p. 1696).
Dans cette affaire, la Cour de cassation semble revenir sur sa position. Elle reconnaît que l’héritier de la victime peut se constituer partie civile d’un abus de faiblesse s’il prouve que les faits lui ont causé un préjudice personnel et direct. Tel était le cas en l’espèce, le plaignant ayant démontré qu’il avait été exclu d’une partie de la succession et qu’il n’avait pas été informé du mandat de gestion de son frère sur les biens de leurs parents susceptibles d’avoir été détournés.
Brigitte BROM
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la Famille n° 79272