Question. Une sénatrice interroge le garde des Sceaux, ministre de la justice, sur la déshérence d'une succession liée au décès de la dernière personne connue. Sans héritier connu, le maire doit saisir les services fiscaux et un notaire pour liquider le patrimoine. Or cette démarche oblige le notaire à faire des recherches longues et couteuses pour retrouver d'éventuels héritiers. Cette procédure laisse ce bien sans entretien et la plupart du temps ce dernier sombre dans la désuétude avec l'obligation de procéder à un arrêté de péril imminent. La sénatrice demande à partir de quand le maire peut procéder à la vente du bien ou s'il existe une modalité rapide via le service des domaines.
Réponse. La succession en déshérence (C. civ. art. 811 s.) se distingue de la succession vacante (C. civ. art. 809 s.) et de la succession sans maître (C. civ. art. 713). La succession en déshérence est une succession à laquelle l'État prétend en raison de l'absence d'héritiers, contrairement à la succession vacante qui est celle que personne ne réclame ou dont personne ne s'occupe. Dans l'hypothèse d'une succession en déshérence, l'État doit se faire envoyer en possession par le tribunal pour devenir propriétaire des biens (C. civ. art. 724 et 811). L'objectif des règles en la matière est de prévoir les modalités de gestion de cette succession, notamment pour payer les créanciers et ne pas laisser l'actif dépérir. Enfin, la succession sans maître est celle que personne n'a réclamée, ni l'État au titre des successions en déshérence, ni aucun héritier avant l'expiration du délai pour accepter la succession. Les biens qui dépendent de cette succession appartiennent automatiquement à la commune du lieu de situation des biens à l'issue d'un délai de 10 ou 30 ans selon les cas, sans formalité particulière (CGPPP art. L 1123-1). Dans ces trois cas, des recherches doivent être faites pour retrouver d'éventuels héritiers. La situation mentionnée correspond davantage à une succession vacante ou sans maître qu'à une succession en déshérence. Dans l'hypothèse évoquée, deux possibilités sont ouvertes au maire pour que la vente du bien puisse avoir lieu. Le maire peut tout d'abord attendre que la commune en devienne propriétaire dans le cadre d'une succession sans maître, dans le délai évoqué ci-dessus. La procédure de vacance peut en outre permettre de procéder à la vente plus rapidement. Le maire peut en effet saisir le juge afin de faire constater la vacance de la succession. Dans ce cas, le président du tribunal judiciaire désigne la Direction nationale d'intervention domaniale (DNID) en qualité de curateur pour administrer la succession (C. civ. art. 809-1). À l'issue d'un délai de 6 mois suivant le constat de vacance, le curateur peut procéder à la vente des biens, jusqu'à apurement du passif. Il ne peut toutefois vendre les immeubles dépendant de la succession que si la vente des meubles n'est pas suffisante pour désintéresser les créanciers, sauf si la conservation de ces biens est difficile ou onéreuse (C. civ. art. 810-2).
A noter :
La vacance d’une succession doit être distinguée de sa déshérence. Alors que la vacance est un mode d’administration des biens successoraux confié à l’État, la déshérence est un mode d’appropriation de la succession au profit de l’État (C. Pérès et C. Vernières : Droit des successions, Puf 2018, n° 319 ; M. Grimaldi : Droit des successions, LexisNexis 8e éd. 2020, n° 232). En pratique, il est rare que la déshérence intervienne avant une phase de vacance, l’État préférant s’assurer de l’existence d’un actif (D. Dutrieux, Le point sur le régime des biens vacants et sans maître : JCP N 2010 n° 1120 spéc. § 7). Lorsque personne ne réclame la succession, pas même l’État, le régime des biens sans maître, applicable aux immeubles, prend le relais à l’issue d’un délai de 30 ans à compter de l’ouverture de la succession, délai ramené à 10 ans par la loi 3DS lorsque les biens se situent dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme, d'une opération de revitalisation de territoire, dans une zone de revitalisation rurale ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (CGPPP art. L 1123-1 modifié par la loi 2022-217 du 21-2-2022 art. 98 ; sur cette loi, voir H. de Gaudemar, Présentation générale de la loi 3DS et incidence notariale : SNH 10/22 inf. 14). Rappelons que cette réduction du délai est applicable depuis le 23 février 2022 aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007 et non encore partagées.
Aux fins de déclarer une succession vacante, le juge peut être saisi sur requête de tout créancier, de toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’administration de tout ou partie de son patrimoine, d’un notaire, de toute autre personne intéressée ou du ministère public (C. civ. art. 809-1). Une précédente réponse ministérielle avait déjà précisé que la procédure pouvait être initiée par une commune souhaitant mettre en demeure l’hérédité de prendre les mesures nécessaires de sécurité sur un immeuble en ruine (Rép. Herment : Sén. 30-10-1982 p. 4968 n° 07670).
S’agissant de l’appropriation d’un immeuble sans maître par la commune, le conseil municipal prend une délibération autorisant l'acquisition du bien par le maire. La prise de possession est constatée par un procès-verbal, publié selon les modalités de l’article L 2131-1 du Code général des collectivités territoriales (Circ. MCTB0600026C du 8-3-2006). À rebours de la circulaire, la doctrine préconise également la publication du procès-verbal au fichier immobilier, le cas échéant en le déposant au rang des minutes d’un notaire (S. Lamiaux, Les biens sans maître et présumés sans maître : JCP N 2015 n° 1184 spéc. § 5 s.).
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