Deux biens au dernier étage d’un immeuble sont vendus à deux acquéreurs différents : une chambre de service de 10 m² est vendue en 1996 et un débarras de 6,45 m² est vendu en 2007. Les clés des deux biens sont interverties. L’acheteur du débarras prend possession des clés de la chambre de service et la loue régulièrement. Après la découverte de l’interversion, en 2014, l’acheteur de la chambre de service assigne l’acheteur du débarras en remise des clés.
La cour d’appel de Paris rejette sa demande. L’acheteur du débarras a cru de bonne foi acheter la chambre de service. Il ne peut lui être reproché un défaut de diligence lors de l’achat, bien que salarié d’une agence immobilière et associé d’une SCI. Son erreur est commune et invincible et il a acquis, par l’effet de la loi, la chambre de service. En outre, la commune intention des parties a porté sur les biens en leur possession, comme le révèle l’occupation sans protestation du débarras de 1996 à 2014, et l’achat de la chambre de service à des fins locatives.
Cassation. L’erreur de l’acheteur du débarras porte sur la concordance entre le bien qui lui a été vendu selon l’acte de vente et le bien dont il a été mis en possession (étant relevé de surcroît que le vendeur n’était pas propriétaire du débarras dont il a remis les clés en 1996, en ayant hérité en 2006).
Dans l’arrêt commenté, il s’agissait de savoir si l’acheteur du débarras était devenu propriétaire de la chambre de service, bien que celle-ci ait été déjà vendue. Selon la théorie de la propriété apparente, un tiers de bonne foi peut devenir propriétaire d’un bien dont le vendeur n’était pas propriétaire contrairement aux apparences. Son application suppose que l’erreur commise par l’acheteur soit commune et invincible, c’est-à-dire que tout le monde tienne ce « propriétaire » pour le véritable titulaire du droit (Cass. 3e civ. 21-1-1981 n° 79-13.854 : Bull. civ. III n° 17 ; Cass. 1e civ. 22-7-1986 n° 84-17.004 : Bull. civ. I n° 214). Elle doit, en outre, être notoire, persistante et sans équivoque. Ce n'est pas le cas d'une erreur qui aurait pu être écartée par des recherches élémentaires (Cass. 3e civ. 15-1-1992 n° 90-16.496 : Bull. civ. III n° 13).
La Cour de cassation censure les juges d’appel d’avoir considéré que l’erreur de l’acheteur du débarras était commune et invincible.
Séverine JAILLOT