Délai de prescription de l'action en nullité
Rappelons que les actions en nullité d'actes ou de délibérations d'une société commerciale se prescrivent en principe par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue (C. com. art. L 235-9, al. 1).
La Cour de cassation juge pour la première fois que l'action en annulation d'une délibération sociale fondée sur un abus de majorité relève de la prescription triennale prévue à l'article L 235-9.
Cette solution est applicable tant aux sociétés commerciales qu'aux sociétés civiles, car l'action en nullité des actes et délibérations de ces dernières se prescrit aussi par trois ans (C. civ. art. 1844-14).
La Cour de cassation écarte l'application de la prescription de droit commun de cinq ans (C. civ. art. 2224), dont on aurait pu penser qu'elle avait vocation à régir une action fondée, non pas sur la violation d'une règle de droit des sociétés, mais sur la théorie de l'abus de droit (dont l'abus de majorité n’est jamais qu’un cas particulier), construction prétorienne issue du droit civil. Mais l'article L 235-9 ne fait pas de distinction selon la cause de la nullité. Si la nullité est envisagée par l'article L 235-1 du Code de commerce (Mémento Sociétés commerciales 2018 nos89110 s.), l'action en nullité se prescrit par trois ans.
C'est pourquoi, à notre avis, la même solution devrait être retenue par la chambre commerciale pour les actions en nullité de délibérations sociales fondées sur la fraude. La troisième chambre civile a d'ailleurs soumis l'action en nullité pour fraude d'une décision des associés d'une société civile à la prescription triennale de l'article 1844-14 précité (Cass. 3e civ. 15-10-2015 n° 14-17.517 F-D : RJDA 1/16 n° 32).
Délai de prescription de l'action en réparation
La solution est différente en ce qui concerne l'action en réparation du préjudice causé par l'abus de majorité : celle-ci, juge la Cour de cassation, se prescrit par cinq ans et non par trois ans.
En effet, la prescription triennale ne s'applique qu'aux « actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution » (C. civ. art. 1844-14 ; C. com. art. L 235-9, al. 1), pas aux actions en réparation, qui sont donc soumises à la prescription de droit commun de cinq ans (C. civ. art. 2224).
En pratique, un associé qui n'est plus recevable à demander la nullité d'une décision d'associés pour abus de majorité parce que son action a été engagée plus de trois ans après l'adoption de la décision peut encore agir en réparation des conséquences de l'abus si l'action est formée dans les cinq ans qui suivent la date de cette décision.