Le président d’une société par actions simplifiée (SAS), qui détient 51 % des actions, engage devant le juge des référés une action en résiliation d’un contrat de licence de marque conclu entre la SAS et une société contrôlée par l'associé minoritaire. Il convoque peu après une assemblée des associés ayant pour objet d'approuver les comptes et de modifier les statuts, qui imposent que la résiliation d'un tel contrat soit autorisée par des associés détenant plus de 75 % du capital, en vue d’abaisser ce seuil à 50 %. Le juge des référés ajourne cette assemblée, ainsi que toutes celles ayant le même ordre du jour, jusqu’à la décision appelée à se prononcer sur la résiliation du contrat. Le président de la SAS convoque alors une nouvelle assemblée, qui se tient en l'absence du minoritaire la veille de l’audience de plaidoiries sur la résiliation et approuve la modification statutaire, les comptes sociaux ainsi qu’une augmentation du capital social.
La cour d’appel de Bordeaux annule toutes les délibérations de cette assemblée : celle-ci s’étant tenue en violation grossière de l’ordonnance du juge des référés, aucune des résolutions adoptées ne pouvait être considérée comme régulière.
A noter :
On le sait, quelle que soit la forme sociale, le juge des référés peut, en présence de circonstances exceptionnelles, prononcer l’ajournement d’une assemblée générale, c’est-à-dire son report à une date ultérieure.
La Cour de cassation a récemment rappelé qu’il n’entrait pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer l’annulation d’une assemblée prise en violation d’une telle décision ; ce dernier peut seulement suspendre les effets des délibérations (Cass. com. 13-1-2021 n° 18-25.713 : RJDA 4/21 n° 239). La présente décision illustre que l’annulation peut en revanche être prononcée par les juges du fond.
En l’espèce, le président de la SAS reprochait au juge du fond d’avoir annulé toutes les résolutions de l’assemblée litigieuse, sans distinguer entre celles qui étaient prévues à l’ordre du jour de l’assemblée ajournée et celles qui avaient été ajoutées. Cet argument n’a pas été retenu par la cour d’appel, pour qui la violation grossière de l’ordonnance justifiait l’annulation de l’assemblée dans son ensemble.
Documents et liens associés
CA Bordeaux 10-1-2023 n° 22/01177