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Apport en nature à une société par actions : l’apporteur ne peut pas représenter un associé mineur

L’interdiction faite à l’apporteur en nature de voter, pour lui-même ou en qualité de mandataire, à l’assemblée statuant sur son apport lui interdit de voter en tant qu’administrateur légal d’un associé mineur. L'autre administrateur légal doit alors obtenir une autorisation du juge des tutelles pour voter au nom du mineur.

Communication Ansa, comité juridique n° 23-011 du 1-2-2023


Par Vanessa VELIN
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©Gettyimages

L’assemblée générale extraordinaire d’une société par actions familiale se réunit pour réaliser une augmentation de capital par apport en nature. L’apporteur, seul propriétaire du bien apporté, est également le père d’un associé mineur non émancipé, l’administrateur légal de ses biens et son représentant légal à l’assemblée. Peut-il voter lors de l’assemblée générale en sa qualité d’administrateur légal ? La question a été soumise au comité juridique de l'Association nationale des sociétés par actions (Ansa).

Pouvoir de l'apporteur en nature de représenter le mineur à l'assemblée générale 

Il résulte de l’article L 225-10 du Code de commerce (applicable aux sociétés anonymes et, sur renvoi de l'article L 227-1, aux sociétés par actions simplifiées) que l’apporteur ne peut voter à l’assemblée qui délibère sur l’approbation de son apport en nature ni pour lui-même ni comme mandataire. L’apporteur, administrateur légal d’un associé mineur non émancipé, est-il un mandataire au sens de ce texte ?

Oui, répond le comité juridique de l’Ansa. L’article L 225-10 vise aussi bien le mandataire qui tient son pouvoir d’un contrat que celui qui tient son pouvoir de la loi. En conséquence, l’apporteur en nature ne peut voter ni pour lui-même ni comme mandataire, même au titre de son administration légale.

L’interdiction posée par l’article L 225-10 du Code de commerce vise à neutraliser toute influence de l’apporteur lors du vote de l’assemblée générale de la société bénéficiaire de l'apport. Elle est justifiée par le désir de protéger la société et les autres associés contre une estimation trop favorable à l’apporteur. Dans un arrêt ancien, il a été jugé que l'associé qui fait l'apport soumis à l'approbation de l'assemblée générale n'a pas voix délibérative, même quand il joint à sa qualité d'apporteur en nature celle de souscripteur d'actions en numéraire (Cass. req. 31-12-1906 : DP 1908 I p. 513 note R. Percerou). 

Le comité juridique de l’Ansa précise que le mandat de l'administrateur légal doit être distingué du mandat dit « en blanc » du président d’une société anonyme qui exerce les votes sur les résolutions présentées ou agréées par le conseil d’administration (C. com. art. L 225-106, dernier al.). En effet, le président du conseil d’administration dispose d’un pouvoir spécifique lorsqu’un actionnaire adresse une procuration datée et signée mais dans laquelle il s’abstient de préciser le nom d’un mandataire. Les votes émis à l'aide de ces pouvoirs sont toujours favorables à l'adoption des projets de résolution présentés ou agréés par le conseil d'administration (ou le directoire) et défavorables à l'adoption de tous autres projets.

Comment voter au nom de l'actionnaire mineur ?

Lorsque les parents exercent l'administration légale en commun et qu'il convient de représenter le mineur pour passer un acte de disposition, l'accord des deux parents est nécessaire (cf. C. civ. art. 382-1 et 387-1). En cas de désaccord entre eux, le juge des tutelles doit être saisi aux fins d’autorisation de l’acte (C. civ. art. 387).

L’exercice du droit de vote dans les assemblées générales sur un ordre du jour comportant une augmentation de capital est considéré comme un acte de disposition au sens de l’article 496 du Code civil (C. civ. art. 496 ; Décret 2008-1484 du 22-12-2002 Annexe 2, colonne 2-II). L’accord des deux parents est donc nécessaire pour voter sur l’apport en nature au nom de leur enfant mineur associé.

Lorsque les intérêts d’un des deux administrateurs légaux sont en opposition avec ceux du mineur, le juge des tutelles peut autoriser l’autre administrateur légal à représenter le mineur pour un ou plusieurs actes déterminés (C. civ. art. 383, al. 2). En l’espèce, le père, apporteur en nature étant interdit de voter, est-il en opposition d’intérêts au sens de ce texte, auquel cas la mère devait demander à être autorisée à représenter seule l’associé mineur non émancipé ?

Pour le comité juridique de l’Ansa, l’opposition d’intérêts est manifeste lorsque l’administrateur légal est privé du droit de vote en sa qualité d’apporteur. Par suite, la mère, autre administrateur légal, doit demander l’autorisation au juge des tutelles de voter seule à l’assemblée générale au nom de l’associé mineur.

L'opposition d'intérêts peut être constatée à l'occasion d'un acte particulier ou résulter de la situation des intéressés. Il a, par exemple, été retenu que l’opposition d’intérêts existait en cas de donation ou de legs consenti au mineur par une personne dont son parent administrateur légal est héritier (Cass. 1e civ. 7-12-1977 n° 74-14.890). En l'espèce, c'est bien la situation qui fait apparaître l'opposition d'intérêts.

Documents et liens associés

Communication Ansa, comité juridique n° 23-011 du 1-2-2023

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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