Un créancier d'une société engage la responsabilité personnelle du dirigeant en invoquant des fautes séparables de ses fonctions que celui-ci a commises quelques mois avant que la société fasse l’objet d’une procédure collective puis, une fois la procédure ouverte, il déclare sa créance au passif.
Une cour d’appel juge l’action irrecevable, faute pour le créancier de se prévaloir d’un préjudice différent du défaut de paiement de sa créance, par ailleurs admise au passif de la procédure collective, et donc faute d’établir l’existence d’un préjudice personnel distinct de celui de la collectivité des créanciers.
L’arrêt est censuré par la Haute Juridiction : l'intérêt au succès ou au rejet d'une prétention s'appréciant au jour de l'introduction de la demande en justice, la recevabilité de la demande du créancier tendant à voir engager la responsabilité personnelle du dirigeant et introduite avant l'ouverture de la procédure collective de la société que ce dernier dirige n'est pas soumise à la justification par le demandeur d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers.
A noter :
Le créancier d'une société qui agit en responsabilité personnelle contre le dirigeant de la société doit établir que ce dernier a commis une faute séparable de ses fonctions, c’est-à-dire une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (notamment, Cass. com. 20-5-2003 n° 99-17.092 FS-PBI : RJDA 8-9/03 n° 842).
Lorsque la société fait l’objet d’une procédure collective, le mandataire judiciaire (ou le liquidateur judiciaire) a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers de la société (C. com. art. L 622-20, al. 1 et L 641-4, al. 3). Aussi, pour qu’un créancier soit recevable à agir individuellement en responsabilité contre le dirigeant, il doit prouver qu’il a subi un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers résultant de la faute du dirigeant séparable de ses fonctions (Cass. com. 29-11-2016 no 14-25.904 F-D : RJDA 3/17 no 189 ; Cass. com. 8-9-2021 no 19-13.526 F-D : BRDA 19/21 inf. 1). Ce principe ne s’applique pas, précise ici la Cour de cassation, lorsque l’action en responsabilité est introduite alors que la société est encore maîtresse de ses biens. Et il importe peu que la créance de dommages-intérêts du créancier ait été admise au passif de la procédure collective.