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Nouvelle ordonnance provisoire de protection immédiate et ajustements de l’ordonnance de protection

La période de protection est étendue. En amont, une ordonnance provisoire peut être sollicitée en cas d’urgence pour couvrir les 6 jours dont dispose le JAF pour statuer sur l’ordonnance de protection. En aval, la durée de l’ordonnance de protection passe de 6 à 12 mois.

Loi 2024-536 du 13-6-2024 : JO 14 texte n° 2


Par Julie LABASSE
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©Getty Images

Quelques années d’application de l’ordonnance de protection ont permis d’identifier certaines imprécisions ou carences, soit dans le champ d’application du dispositif, soit dans son efficacité. La loi opère donc quelques correctifs. Surtout, elle crée l’ordonnance provisoire de protection immédiate qui permet la mise en place d’une protection dès que le JAF est saisi d’une demande d’ordonnance de protection.

Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 15 juin.

Ordonnance de protection

Précisions sur les conditions d’application. La loi réaffirme les conditions d’application des ordonnances de protection en apportant deux précisions.

D’abord, il est expressément prévu qu’une ordonnance de protection peut être délivrée en cas de violences mettant en danger la personne qui en est victime « ou » un ou plusieurs enfants (C. civ. art. 515-9 modifié). Cette conjonction alternative, à la place d’une virgule, permet d’envisager la protection des enfants au regard du seul danger encouru par eux, indépendamment de celui subi par la victime des violences. L’article 515-9 est ainsi aligné sur l’article 515-11 qui visait déjà le « danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». Aucun doute désormais sur le fait que l’ordonnance de protection peut être prise si seul un ou les enfants sont en danger sans que l’autre parent le soit également.

Ensuite, il est précisé qu’une ordonnance de protection est délivrée en présence de raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission de violences et le danger, « y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation ou qu’il n’y a jamais eu de cohabitation » (C. civ. art. 515-11 modifié). Là, c’est une mise en cohérence avec l’article 515-9, qui admettait déjà que la notion de couple s’entend en dehors du critère de cohabitation.

Élargissement et effectivité des mesures. Désormais, une ordonnance de protection peut attribuer à la victime la jouissance de l’animal de compagnie du foyer (C. civ. art. 515-11 3° bis nouveau).

Par ailleurs, afin de renforcer l’effectivité de l’autorisation de la victime de dissimuler son domicile ou sa résidence, son adresse peut être masquée sur les listes électorales (C. électoral art. L 37 modifié). Pour ce faire, le procureur de la République, avec l’accord de la victime, informe le maire et le représentant de l’État dans le département de la mesure de dissimulation de domicile prise par l’ordonnance de protection afin que l’adresse de la victime ne puisse pas être communiquée à des tiers (C. civ. art. 515-11 modifié).

Allongement de la durée. La durée maximale de l’ordonnance de protection est désormais de 12 mois à compter de la notification de l’ordonnance (C. civ. art. 515-12 modifié). Elle a été doublée puisqu’elle était de 6 mois. Le délai peut être prolongé dans les mêmes conditions qu’auparavant, à savoir si une demande en divorce, en séparation de corps ou relative à l’exercice de l’autorité parentale a été déposée.

Ordonnance provisoire de protection immédiate

Lorsqu’une demande d’ordonnance de protection est déposée, le ministère public peut, avec l’accord de la personne en danger, demander une ordonnance provisoire de protection immédiate. Le JAF doit alors statuer dans le délai de 24 h à compter de sa saisine (C. civ. art. 515-13-1 nouveau).

Deux situations justifient la délivrance d’une telle ordonnance provisoire.

Danger grave et immédiat. Le JAF délivre l’ordonnance provisoire s’il estime, au vu des seuls éléments joints à la requête, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

Le JAF peut, par cette ordonnance, prendre certaines des mesures possibles dans une ordonnance de protection (C. civ. art. 515-13-1 nouveau), à savoir :

  • interdire à la partie défenderesse de recevoir ou rencontrer certaines personnes ou encore d’entrer en relation avec elles ; lui interdire de se rendre dans certains lieux fréquentés par la partie demanderesse (C. civ. art. 515-11, 1 et 1 bis) ;

  • interdire à la partie défenderesse de détenir ou de porter une arme ; lui ordonner de remettre ses armes à la police ou la gendarmerie (C. civ. art. 515-11, 2 et 2 bis)  ;

  • suspendre le droit de visite et d’hébergement de l’auteur des violences (C. civ. art. 515-11, 5°) ;

  • autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence (C. civ. art. 515-11 6° et 6° bis).

Lorsque l’ordonnance provisoire prescrit une mesure d’interdiction d’entrée en contact avec la victime, le procureur peut mettre en place un dispositif de téléprotection (téléphone grave danger). La durée du dispositif, en principe de 6 mois renouvelables, peut être réduite par le procureur de la République si l’ordonnance provisoire n’est pas suivie d’une ordonnance de protection (CPP art. 41-3-1 modifié).

L’ordonnance provisoire prend fin à compter de la décision statuant sur la demande d’ordonnance de protection ou qui accueille une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l'instance.

Risque de mariage forcé. Une ordonnance provisoire de protection immédiate peut également être prise pour protéger la personne majeure menacée de mariage forcé (C. civ. art. 515-13 modifié).

La procédure et la durée de la mesure sont identiques à celles déjà énoncées.

Le JAF peut prendre les mêmes mesures que celles prévues en cas de danger. Il peut en outre ordonner une interdiction temporaire de sortie du territoire de la personne menacée, à sa demande. Cette dernière est alors inscrite au fichier des personnes recherchées.

Sanctions pénales. Le non-respect de l’ordonnance provisoire de protection immédiate fait l’objet des mêmes sanctions pénales que l’ordonnance de protection (C. pén. art. 227-4-2 modifié). La sanction a par ailleurs été alourdie, elle est passée de 1 an de prison à 3 ans et de 15 000 euros d’amende à 45 000 euros (même article).

A noter :

1. L’allongement de la durée de l’ordonnance de protection à 12 mois vise spécifiquement les victimes qui, n’étant pas mariées ou n’ayant pas d’enfant, ne bénéficient pas de la prorogation par l’introduction d’une demande en divorce ou en fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale. Cela leur octroie un temps plus long pour organiser leur séparation.

2. L’ordonnance provisoire de protection immédiate n’est pas une procédure autonome, elle ne peut être engagée qu’associée à une demande d’ordonnance de protection. Par ailleurs, elle est conduite par le ministère public qui a seul la qualité pour agir. Mais il doit agir avec l’accord du demandeur au bénéfice d’une ordonnance de protection.

L’octroi de l’ordonnance provisoire est subordonné à un critère supplémentaire qui est la situation d’urgence et d’une particulière gravité :  le danger doit être grave et immédiat.

Le juge statue au vu des « seuls éléments joints à la requête ». L’audience n’est donc pas contradictoire. Alors que, lors de l’instance en demande d’une ordonnance de protection, le JAF entend le demandeur, le défendeur et le ministère public. Cela explique que les mesures susceptibles d’être prises par une ordonnance provisoire sont plus restreintes. Enfin, le délai d’application de l’ordonnance provisoire est bref, au maximum 6 jours, puisque l’ordonnance provisoire n’a vocation qu’à couvrir le laps de temps laissé au JAF pour statuer sur l’ordonnance de protection. L’octroi d’une ordonnance provisoire ne lie pas le JAF statuant sur la demande d’ordonnance de protection.

3. La loi opère par ailleurs un toilettage de l’article 515-11 6° pour remplacer la mention d’huissier de justice par commissaire de justice.

4. La modification des sanctions pénales du non-respect de l’ordonnance de protection s’applique également en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et les îles Wallis et Futuna (CPP 711-1 modifié). En revanche, les correctifs apportés à l’ordonnance de protection et l’ordonnance provisoire de protection immédiate ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie.

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