Une femme décède en mars 1995, laissant ses trois enfants. Lors du partage, l’une des héritières réclame l’attribution préférentielle d’une villa relevant de l’indivision successorale (C. civ. art. 831-2, 1°). La cour d’appel rejette sa demande, estimant que le caractère effectif et continu de la résidence n’est pas établi au moyen des pièces produites, à savoir :
la copie de l’enveloppe d’une correspondance que lui a adressée sa mère en 1995 à l’adresse de la villa ;
le justificatif de règlement des factures EDF de la villa sur la période de 1992 à 1995 ;
un acte de vente sur lequel elle est présentée comme « demeurant » à l’adresse de la villa ;
une attestation de la mairie confirmant son inscription depuis 1994 sur les listes électorales de la commune où se situe la villa.
L'héritière porte l'affaire devant la Cour de cassation, faisant notamment valoir que seul le caractère effectif de la résidence est requis et non le caractère continu, que soulevaient les juges du fond.
Le pourvoi est rejeté. La cour d'appel a souverainement retenu que l'héritière ne justifiait pas, au-delà d'une simple adresse, de sa résidence effective dans la villa dont elle sollicitait l'attribution préférentielle, au moment du décès de sa mère.
A noter :
Cet arrêt de pure illustration permet de rappeler que l’héritier copropriétaire qui sollicite l’attribution préférentielle d’un local indivis comme étant son habitation doit apporter la preuve qu’il y réside de manière effective. Les juges apprécient souverainement cette condition et, à ce titre, peuvent s’attacher à vérifier que la résidence est continue. En effet, l’attribution préférentielle ne peut porter que sur la résidence principale du demandeur. Il ne peut pas s’agir d’une résidence secondaire (Cass. 1e civ. 1-7-1997 n° 95-12.263 : Dr. famille 1997 comm. n° 144 notre B. Beignier, à propos d’une indivision postcommunautaire mais transposable).
Le critère de continuité n’est donc pas une condition à part entière mais un indice pour identifier la résidence principale du requérant (pour une illustration où le cohéritier attributaire avait établi habiter la maison familiale indivise depuis sa naissance, CA Bastia 14-12-2011 n° 09/00739). Il n’est d’ailleurs pas exclusif de toute attribution préférentielle lorsque le demandeur a quitté les lieux contre sa volonté. Ainsi, l’époux qui a dû, pour se conformer aux mesures provisoires prises dans le cadre d’une procédure de divorce, quitter le domicile conjugal reste en droit d’en revendiquer l’attribution préférentielle (Cass. 1e civ. 10-5-2006 n° 03-19.001 : Bull. civ. I n° 228).
Signalons enfin que la solution de l’arrêt, rendue sous l’empire de l’article 831-2, 1° « dans sa rédaction antérieure à la loi 2015-177 du 16-2-2017 » est toujours valable, la loi du 16 février 2015 ayant simplement ajouté, parmi les biens pouvant faire l’objet d’une attribution préférentielle, le véhicule du défunt dès lors qu’il est nécessaire au demandeur pour les besoins de la vie courante.