La nécessité de mettre en place un PSE s'apprécie au niveau de l'UES si la décision de licencier est prise à ce niveau ...
En principe, l’effectif et le nombre des licenciements qui déterminent l’obligation, pour l’employeur, de mettre en place une procédure de licenciement collectif pour motif économique comportant un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) s’apprécient au niveau de l’entreprise qu’il dirige parce que l’obligation de mettre en place un tel plan lui incombe (Cass. soc. 28-1-2009 n° 07-45.481 FS-PB). Et ces conditions s’apprécient au jour de l’engagement de la procédure de licenciement (Cass. soc. 12-7-2010 n° 09-14.192 FS-PB). Mais lorsque la décision de licencier est prise au niveau d’une UES, c’est alors l’effectif des entités qui la composent et le nombre des licenciements envisagés dans ce cadre qui doivent être pris en compte (Cass. soc. 16-11-2010 n° 09-69.485 FS-PBR ; Cass. soc. 9-3-2011 n° 10-11.581 FS-PBRI ; Cass. soc. 8-1-2020 n° 18-16.945 F-D).
La difficulté est alors de déterminer à quel moment doit se situer l’engagement de la procédure de licenciement par rapport à la reconnaissance judiciaire d’une unité économique et sociale. Sur ce point, dont dépend le régime applicable à la procédure de licenciement, la chambre sociale de la Cour de cassation a eu l’occasion de dire que l’existence de l’UES se situe au jour de la saisine du tribunal, que cette reconnaissance a un caractère déclaratif et qu’elle n’a pas d’effet rétroactif (Cass. soc. 19-12-2007 n° 07-60.022 F-D ; Cass. soc. 21-1-1997 n° 95-60.992 P). Et la reconnaissance judiciaire d’une UES n’a d’effet sur une procédure de licenciement collectif pour motif économique que si cette procédure est engagée après la date d’effet de la reconnaissance (Cass. soc. 16-1-2008 n° 06-46.313 FS-PB).
C’est ce que rappelle l’arrêt du 28 septembre 2022 lorsqu’il énonce, dans la ligne des précédents, que les conditions d’effectif et de nombre des licenciements dont dépend l’obligation d’établir un PSE ne s’apprécient au niveau d’une UES que dans le cas où la décision de licencier a été prise à ce niveau. On observera à cet égard que la formulation employée dans l’arrêt du 9 mars 2011 précité et qui n’est pas reprise ici paraît plus exacte, en ce qu’elle fait référence à un « projet global et concerté de réduction des effectifs au sein d’une UES », pour tenir compte du fait qu’une UES n’a en elle-même pas de direction et que le projet de licenciement ne peut être que le résultat d’une concertation entre les entités composant l’UES.
... sauf si le jugement reconnaissant l'UES fait l'objet d'un appel et n'est pas assorti de l'exécution provisoire
Mais qu’en est-il lorsque la décision qui reconnaît l’existence d’une UES, avant l’engagement de la procédure de licenciement, est frappée d’un appel, en cours au jour du licenciement ?
Il n’y a pas de difficulté si le jugement est assorti de l’exécution provisoire, puisqu’il exercera alors, dès son prononcé, une influence sur la procédure de licenciements collectifs postérieure. Cette possibilité d’ordonner l’exécution provisoire n’est pas exclue par principe (voir Cass. soc. 29-5-2013 n° 12-60.262 FS-PB, rendu à propos de la désignation d’un délégué syndical).
Cependant, en l’espèce, le jugement frappé d’appel n’était pas assorti de l’exécution provisoire, de sorte qu’en application de l’article 539 du Code de procédure civile, son exécution était suspendue par suite de l’exercice de ce recours. Cette décision ne fait pas partie de celles qui, exceptionnellement, sont de plein droit exécutoires par provision. Rien ne s’oppose certes à ce que le juge qui reconnaît l’existence d’une UES ordonne l’exécution provisoire de sa décision. On conçoit toutefois aisément qu’il puisse être réticent à le faire puisqu’une infirmation de sa décision en appel remettrait en cause les mandats représentatifs s’exerçant au niveau de l’UES.
Quoi qu’il en soit, en l’absence d’exécution provisoire, le jugement ne pouvait pas exercer d’influence sur la procédure de licenciement économique en cours, contrairement à ce que soutenait le salarié en se prévalant notamment de l’autorité de chose jugée dont bénéficiait le jugement, alors qu’était seulement en cause son caractère exécutoire : une décision qui peut faire ou qui, comme en l’espèce, fait l’objet d’un recours suspensif n’a pas force de chose jugée et n’est de ce fait pas exécutoire, en vertu des articles 500 et 501 du Code de procédure civile.
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