Une commune installe une station de prélèvement d’eau destinée à la consommation humaine sur des parcelles cadastrées dont elle est propriétaire. Un arrêté préfectoral fixe pour cette zone de captage des périmètres de protection immédiate et rapprochée. La commune, se prétendant enclavée, assigne les propriétaires voisins pour fixer une servitude de passage sur leurs terrains afin d’accéder à cette station et effectuer les contrôles, les travaux d'entretien et de réparation éventuellement nécessaires.
La cour d’appel constate que l'état d'enclave des parcelles appartenant à la commune résulte de la division d'un fonds unique et fixe l’assiette de la servitude sur des parcelles qui ne sont pas forcément issues de cette division. Les propriétaires contestent le tracé retenu.
Confirmant la décision d’appel, la Cour de cassation rappelle tout d’abord les règles de fixation de l’assiette d’une servitude de passage : le trajet le plus court et le moins dommageable, et l’article 684 du Code civil qui prévoit que, lorsque l’enclave résulte de la division d’un fond, le passage ne peut être demandé en principe que sur les terrains issus de la division. Elle rappelle ensuite sa jurisprudence imposant à l’assiette de la servitude d’être compatible avec les contraintes d'urbanisme et d'environnement applicables.
La Haute Juridiction approuve la cour d’appel d’avoir retenu que l’assiette de la servitude ne pouvait pas être fixée sur les parcelles du fonds divisé situées dans le périmètre de protection rapprochée autour du captage, l’arrêté préfectoral interdisant d'effectuer dans cette zone des excavations d'une certaine profondeur. Elle l’approuve d’avoir retenu la même solution pour les parcelles non issues de la division également situées dans ce périmètre.
A noter :
Les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation pour déterminer le passage répondant aux exigences des articles 682 et 683 du Code civil (Cass. 1e civ. 19-1-1966 : Bull. civ. I n° 47 ; Cass. 3e civ. 4-1-1991 n° 89-18.492 : Defrénois 15-12-1991 p. 1305). Il leur appartient de désigner l'endroit le plus adéquat, en observant la pertinence des différentes possibilités envisageables et en s'assurant, le cas échéant, de leur compatibilité avec les contraintes d'urbanisme ou environnementales applicables au fonds servant (Cass. 3e civ. 5-9-2012 n° 11-22.276 FS-PB : BPIM 5/12 inf. 418 ; Cass. 3e civ. 1-12-2016 n° 15-23.351 ; Cass. 3e civ. 19-10-2017 n° 16-17.185), ou de contraintes de sécurité liées, par exemple, à la circulation routière ou à la présence d'éléments sensibles tels que des citernes à gaz souterraines (Cass. 3e civ. 11-5-2017 n° 16-12.627). Il ne s'agit donc pas toujours du trajet le plus court. Les juges peuvent également imposer le tracé le moins dommageable pour l'environnement à préserver, par exemple en zone de montagne (CA Chambéry 2-3-2010 n° 08/02188 ; CA Rennes 1-2-2011 n° 09/02826). Lorsque l'enclave résulte de la division d'un fonds, le principe veut que le passage ne peut être pris que sur les terrains composant le fonds d'origine, sauf si un passage suffisant ne peut pas être établi sur les fonds divisés (C. civ. art. 684), la règle de fixation relève alors de l’article 682, c’est-à-dire sur tout terrain voisin ne résultant pas obligatoirement de la division du fonds. Mais, dans tous les cas, l’assiette de la servitude devra être compatible avec les règles d’urbanisme ou d’environnement.