L'article L 145-5 du Code de commerce permet aux parties qui remplissent les conditions requises pour que leur bail soit soumis au statut des baux commerciaux de conclure un bail dérogeant aux dispositions de ce statut. Si, à l’expiration du bail dérogatoire et au plus tard à l’issue d’un délai d’un mois à compter de l’échéance, le locataire reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions relatives aux baux commerciaux (C. com. art. L 145-5, al. 2).
Une société prend en location des locaux commerciaux pour une durée de six mois devant prendre fin le 1er juin 2017. Elle reçoit le 5 juin 2017 un courrier du bailleur lui rappelant que le bail a pris fin le 1er juin 2017, mais l’autorisant à demeurer dans les locaux pour un mois, soit jusqu’au 30 juin 2017. Le bailleur exige toutefois que l’occupante quitte définitivement les locaux à l’issue de ce délai.
La société occupante s’étant maintenue dans les locaux après l'expiration du délai d'un mois, le bailleur agit en justice pour la faire expulser et condamner au versement d’une indemnité d’occupation. En appel, le caractère dérogatoire du bail liant les parties n’est plus contesté. La question se pose toutefois de l’incidence du maintien dans les lieux de l’occupante.
Saisie du litige, la cour d’appel de Bordeaux juge que le bail conclu a pris fin et que la société est occupante sans droit ni titre.
Elle rappelle tout d’abord qu’il appartient au bailleur souhaitant échapper au mécanisme de l’article L 145-5 du Code de commerce de manifester, avant la date contractuelle d’expiration du bail ou dans le mois suivant celle-ci, sa volonté de ne pas poursuivre sa relation contractuelle avec le locataire, la charge de la preuve de cette manifestation de volonté lui incombant, et aucune clause du bail ne pouvant avoir pour effet de dispenser le bailleur de faire connaître au locataire son opposition au maintien dans les lieux.
Elle ajoute que le statut des baux commerciaux n’a pas vocation à s’appliquer si le locataire a été maintenu dans les lieux en vertu d’un délai de grâce accordé par le bailleur, pour lui permettre par exemple d’organiser son départ (Cass. 3e civ. 11-1-2006 n° 05-10.217 FS-D : RJDA 4/06 n° 389), dès lors que ce dernier aura manifesté sa volonté de mettre fin au contrat.
En l’espèce, il résultait des termes du courrier du 5 juin 2017 que le bailleur n’entendait pas proroger la durée du bail, que le maintien dans les lieux ne pouvait excéder une durée de grâce d’un mois et qu’il ne s’analysait pas en une prorogation du terme. La société occupante n’était donc pas titulaire d’un bail commercial, peu important que la facturation concernant cette période ait fait mention d’un loyer et non d’une indemnité d’occupation.
A noter :
Décision illustrant la situation du titulaire d’un bail dérogatoire resté dans les locaux à l’issue du bail.
Les textes et la jurisprudence en ce domaine sont précis. L’occupant ne peut pas revendiquer l’application du statut des baux commerciaux si, avant le terme du bail, le bailleur a manifesté sa volonté de ne pas le laisser dans les locaux (voir notamment, Cass. 3e civ. 11-5-2022 n° 21-15.389 : BRDA 13/22 inf. 12). La décision commentée, rappelle que cette volonté peut encore être manifestée dans le mois qui suit la date contractuelle d’expiration.
En outre, si le bailleur a clairement exprimé son opposition à la poursuite des relations contractuelles, le maintien dans les lieux du locataire un mois après l'échéance n'entraîne un nouveau bail soumis au statut que si des actes postérieurs non équivoques de la part du bailleur permettent de considérer qu'il est revenu sur sa décision. Tel n’est pas le cas du bailleur qui a tardé à agir en expulsion et a entamé, avec le locataire, des négociations pour un nouveau bail (Cass. 3e civ. 5-6-2013 n° 12-19.634 FS-B : RJDA 10/13 n° 772) et tel n’est pas non plus le cas si, comme en l’espèce, le bailleur a adressé une « quittance de loyer ».
Au cas particulier, le locataire était resté dans les locaux plus d’un mois après l’échéance contractuelle en vertu d’un délai de grâce accordé par le bailleur. Mais, comme déjà jugé par la Cour de cassation (Cass. 3e civ. 11-1-2006, précité), la solution demeure la même : si la manifestation de volonté du bailleur est claire, le statut des baux commerciaux ne s’applique pas.
Documents et liens associés :
CA Bordeaux 8-4-2024 n° 22/00940