Le gérant et associé unique d'une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) se verse une rémunération au titre d'un exercice et cède l'intégralité des parts qu'il détient dans le capital de la société six mois après la clôture de l'exercice en question. L'acquéreur le poursuit en remboursement de cette rémunération et des charges sociales afférentes, au motif que ce versement n'a pas été approuvé par décision des associés, conformément aux statuts.
Une cour d'appel rejette cette demande, retenant que l'acquéreur avait eu connaissance de tous les éléments comptables utiles avant la cession et ne pouvait donc pas ignorer que la rémunération du gérant avait toujours été approuvée après la clôture des comptes et que le gérant, qui n'était plus associé depuis la cession, ne pouvait plus approuver sa rémunération a posteriori comme il le faisait habituellement.
La Haute Juridiction casse l'arrêt d'appel : même si le gérant était associé unique et de bonne foi, il aurait dû se conformer aux statuts qui imposaient que la rémunération soit déterminée et approuvée par décision des associés.
A noter :
Dans le silence des textes, la rémunération du gérant de SARL est déterminée soit par les statuts, soit par une décision collective des associés (Cass. com. 25-9-2012 n° 11-22.754 F-PB : RJDA 12/12 n° 1087). La Cour de cassation fait preuve de souplesse et admet que la décision des associés déterminant la rémunération d'un gérant de SARL puisse résulter d'une simple signature, par tous les associés, d'un rapport mentionnant l'existence de la rémunération. Que la société soit pluripersonnelle (SARL) ou unipersonnelle (EURL), cette rémunération peut également être approuvée par les associés après son versement au gérant (Cass. com. 15-3-2017 n° 14-17.873 F-D : RJDA 7/17 n° 470 ; Cass. com. 9-1-2019 n° 17-18.864 FS-D : RJDA 3/19 n° 201). Mais, si l'approbation de la rémunération peut intervenir après son versement, il faut tout de même qu'elle intervienne, peu important que l'ancien gérant et associé ait été de bonne foi.
Pour assurer pleinement la régularité du processus d’attribution de la rémunération du gérant associé unique d'EURL, il convient également que la décision soit consignée dans le registre des décisions. En effet, les décisions unilatérales de l'associé unique, y compris celles relatives à la rémunération des gérants (Cass. com. 25-9-2012 n° 11-22.337 F-PB : RJDA 2/13 n° 162), doivent être consignées dans ce registre ; à défaut, elles peuvent être annulées à la demande de tout intéressé (C. com. art. L 223-31, al. 3 et 4).
La Cour de cassation a admis que le juge est libre d'apprécier, en fonction des circonstances et de la demande qui lui est présentée, l'opportunité d'annuler ou non la décision. Ainsi, dans l'arrêt précité du 9 janvier 2019, dont les faits étaient très proches de ceux ayant donné lieu à l'arrêt commenté, la Cour de cassation a précisé que la rémunération perçue par un gérant associé unique d'EURL qui avait cédé ses titres avait toujours été régulièrement approuvée a posteriori et que l'absence de mention au registre des rémunération perçues pour les deux exercices précédents la cession ne pouvait pas être imputée au gérant qui n'avait plus la maîtrise des assemblées puisqu'il avait cessé sa gérance et cédé ses parts ; elle avait ajouté que la société n'ignorait pas que le gérant avait perçu des rémunérations, dont elle ne soutenait pas qu'elles auraient présenté un caractère excessif eu égard aux ressources et à la situation économique de la société.
Il résulte de la comparaison entre l'arrêt ici commenté et celui de 2019 que, dans le cadre de l'action en nullité, le juge a un pouvoir d'appréciation plus important que dans le cadre d'une action en remboursement.
Quoi qu'il en soit, afin d'éviter tout conflit, il est conseillé au gérant associé unique de régulariser le versement de ses rémunérations avant de céder ses parts.