Des époux achètent un appartement en l’état futur d’achèvement à Carcassonne afin de réaliser un investissement locatif défiscalisé. N’ayant jamais pu louer l’appartement, ils demandent l’annulation de la vente à raison du dol provoqué par le promoteur et les sociétés auxquelles ce dernier a confié la commercialisation du programme immobilier.
La Cour de cassation fait droit à cette demande. Il résulte des éléments suivants que le promoteur et les sociétés de commercialisation ont commis un dol qui a déterminé les époux à contracter : lorsque le promoteur a obtenu son permis de construire et fait démarcher les époux, l’état de saturation du marché immobilier carcassonnais était déjà observable ; malgré cette conjoncture qu'il n'ignorait pas, il a assuré aux investisseurs, par l'intermédiaire de la plaquette de commercialisation, une forte demande locative et un placement sûr et rentable à court terme ; l’appartement a été vendu à un prix qui dépasse de 30 à 50 % sa valeur réelle ; ces affirmations mensongères vont bien au-delà de la simple exagération publicitaire et c'est à partir de celles-ci que les sociétés chargées de la commercialisation ont réalisé une étude financière personnalisée en faveur des époux et leur ont remis un dossier destiné à leur faire croire que leur investissement était avantageux et sans aucun risque ; le promoteur et les sociétés de commercialisation ne peuvent pas utilement soutenir que l’erreur des époux porte seulement sur la rentabilité de l’appartement et non sur les qualités substantielles de celui-ci, dès lors que l'erreur provoquée par un dol est toujours excusable même si elle ne porte pas sur la substance du bien objet du contrat.
A noter : Application classique des principes régissant le dol.
Pour emporter la nullité du contrat, le dol doit avoir été déterminant du consentement de la partie qui s’en prétend victime (C. civ. art. 1116) et intentionnel de la part de son auteur (jurisprudence constante). Ces conditions ne sont généralement pas remplies en présence de mensonges véniels ou de comportements simplement destinés à vanter la qualité des biens cédés. Ainsi, la qualification de dol a-t-elle été écartée pour les exagérations contenues dans un document publicitaire vantant les qualités d’une matériel professionnel sans dépasser ce qui est habituel dans les pratiques commerciales (Cass. com. 13-12-1994 : RJDA 4/95 n° 420). Mais, elle a été retenue à l’encontre d’un vendeur de tableau qui a nettement dépassé l’exagération et l’habileté permise à tout vendeur en étalant ses titres d’expert afin de capter la confiance de l’acheteur sur la nature et la valeur des tableaux (Cass. 1e civ. 1-2-1960 : Bull. civ. I n° 67).
Contrairement à l'erreur visée par l'article 1110 du Code civil (la victime s’est trompée sans avoir été trompée), l'erreur provoquée par le dol est prise en considération, même si elle ne porte pas sur la substance du bien objet du contrat (Cass. 1e civ. 13-2-1967 n° 65-11.781 : Bull. civ. I n° 58 ; Cass. 3e civ. 2-10-1974 n° 73-11.901 : Bull. civ. III n° 330). Elle peut ainsi porter sur la valeur de celui-ci (notamment, Cass. com. 27-2-1996 n° 94-11.241 : RJDA 6/96 n° 794).
La réforme du droit des obligations et des contrats, applicable aux contrats conclus à compter du 1er octobre 2016 (voir La Quotidienne du 12 février 2016), ne remet pas en cause ces solutions. Le dol y est défini comme le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres, des mensonges ou par la dissimulation intentionnelle d'une information qu'il sait déterminante pour l’autre partie (C. civ. art. 1137 nouveau). En outre, l'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat (art. 1138 nouveau).
Pour en savoir plus : voir Mémento Droit Commercial nos 12256 et 12259 et notre ouvrage Réforme du droit des contrats.