Une maison est vendue, puis revendue après travaux quelques mois plus tard. La vendeuse initiale, assistée de sa curatrice, assigne les acheteurs et les sous-acheteurs en annulation des ventes successives sur le fondement de la violence, vice du consentement. Elle invoque son état psychologique et le comportement manipulateur de son concubin, tiers aux contrats.
La cour d’appel de Rennes annule les ventes. Les certificats médicaux établissent que la vendeuse présentait, peu avant la vente, des troubles mentaux et, qu'après la vente, elle a été admise à percevoir l’allocation adulte handicapé en raison d’un taux d’incapacité compris entre 50 et 75 %. Les attestations prouvent que le concubin, qui entretenait une relation avec la vendeuse depuis plus de deux ans, l’isolait de son entourage familial et l’incitait à le laisser gérer son patrimoine. Présent lors de la signature de la vente, il a procédé au retrait sur le compte bancaire de la vendeuse de 10 000 €, soit le tiers du prix, le lendemain du versement de celui-ci, au moyen d’une procuration obtenue deux mois plus tôt.
La Cour de cassation confirme la décision en rappelant que les juges peuvent se fonder sur des éléments postérieurs à la vente pour apprécier l’existence de violence.
A noter : la violence exercée contre celui qui a contracté est une cause de nullité (C. civ. art. 1111). Elle est définie comme tout comportement de nature à faire impression sur une personne raisonnable et pouvant lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent (C. civ. art. 1112). L’auteur de la contrainte n’est pas nécessairement le cocontractant mais peut être un tiers comme dans l’arrêt commenté.
En pratique : la preuve de la violence peut être faite par tous moyens. Comme le rappelle la Cour de cassation en l'espèce, les juges peuvent se fonder sur des éléments d’appréciation postérieurs au contrat dès lors que ceux-ci contribuent à établir l’existence de la violence au moment de sa conclusion (Cass. 3e civ. 13-1-1999 n° 96-18.309 : RJDA 3/99 n° 252).
Pour mémoire : l’ordonnance portant réforme du droit des contrats du 10 février 2016 (voir La Quotidienne du 23 février 2016) abandonne, à compter du 1er octobre 2016, la référence au mal « présent » qui figure dans l’actuel article 1112 du Code civil (C. civ. art. 1140 dans sa rédaction issue de l’ord. 2016-131 du 10-2-2016). Le délai de survenance du mal redouté n’a donc plus à être pris en compte pour statuer sur l’action en nullité.
Séverine JAILLOT
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