En l’espèce, un salarié relevant de convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 avait été absent pour maladie. Au cours de ces périodes, il avait perçu de son employeur un complément de salaire aux indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS), dans les conditions prévues par l’article 16 de la convention collective.
L’article 16 de la convention collective prévoit un système d’indemnisation dégressif de la durée d’absence en fonction de l’ancienneté dans l’entreprise : de 1 à 5 ans d’ancienneté, 3 mois à plein tarif et 3 mois à demi-tarif ; de 5 à 10 ans, 4 mois à plein tarif et 4 mois à demi-tarif ; de 10 ans à 15 ans, 5 mois à plein tarif et 5 mois à demi-tarif ; au-delà de 15 ans, 6 mois à plein tarif et 6 mois à demi-tarif.
A la suite de son licenciement, le salarié, qui était soumis à une convention individuelle de forfait de 213 jours, avait saisi le conseil de prudhommes d’une demande de rappels de salaires estimant avoir été rémunéré en deçà du salaire minimum garanti par la convention collective.
Pour procéder à la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimal prévu par la convention collective, et débouter le salarié de ses demandes, la cour d’appel avait déduit du décompte annuel des jours travaillés par le salarié les périodes où il était en arrêt maladie.
Le complément de salaire ne doit pas être pris en compte pour déterminer le salaire minimum garanti
A l’appui de son pourvoi, le salarié soutenait que les jours d’absence pour maladie devaient être pris en compte dans le cadre de la vérification de la rémunération minimale annuelle garantie, son salaire ayant été maintenu intégralement et l’employeur ayant été subrogé dans ses droits pour la perception des IJSS. Pour l’employeur, au contraire, les absences du salarié devaient être déduites de son décompte annuel de jours travaillés, comme en avaient décidé les juges du fond.
Pour confirmer l’arrêt d’appel, la chambre sociale de la Cour de cassation valide l’interprétation faite par les juges du fond de l’article 23 de la convention collective, lequel précise les éléments à prendre en compte pour la détermination des appointements minima garantis, à savoir les éléments permanents de rémunération, y compris les avantages en nature, à l’exclusion des libéralités à caractère aléatoire, bénévole ou temporaire.
Pour la Haute Juridiction, il en résulte que les sommes versées pendant les périodes de suspension du contrat de travail en application de l'article 16 de la convention collective, pour compléter les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et par un régime complémentaire de prévoyance, n'entrent pas dans l'assiette de détermination des appointements minima garantis.
A notre avis :
Les sommes versées au titre du complément de salaire au cours des périodes de suspension du contrat de travail ne constituent pas la contrepartie du travail mais sont destinées à garantir un niveau de rémunération alors que le contrat de travail est suspendu. Il est donc logique de ne pas les considérer comme un élément de rémunération au sens de la convention collective pour la détermination du minimum conventionnel. En outre, inclure les périodes d’absence pour maladie dans la vérification du respect des minima conventionnels aurait conduit à rendre sans effet le mécanisme conventionnel de l’article 16 qui prévoit un système d’indemnisation dégressif en fonction de la durée de l’absence (voir ci-dessus).
Le minimum conventionnel se calcule en fonction des jours effectivement travaillés par rapport au forfait contractuel
En conséquence, considérant que c’était à juste titre que l’employeur demandait que le salaire minimum conventionnel soit proratisé en fonction des absences du salarié, la cour d’appel a tenu compte du nombre de jours effectivement travaillés par rapport au forfait de 213 jours auquel le salarié était soumis, pour déterminer les appointements minima garantis.
Solution confirmée par la chambre sociale. Pour elle, en effet, en statuant ainsi les juges du fond ont fait une exacte application des dispositions conventionnelles.
En pratique, en présence d’une convention individuelle de forfait, pour déterminer le minimum conventionnel et le comparer au salaire perçu par le salarié, il convient de déduire les jours d’absence pour maladie du forfait jours.
Cette solution peut être rapprochée de celle retenue par la chambre sociale dans un arrêt de 2013 où s’appliquait la convention collective nationale des ouvriers de travaux publics du 15 décembre 1992. La Haute juridiction avait en effet jugé que le minimum conventionnel reposant sur le nombre d'heures travaillées donnant lieu à rémunération, les heures non travaillées par suite d'absences pour maladie, accident ou maternité, qui font l'objet d'une indemnisation spécifique, doivent être exclues du temps rémunéré et diminuer à due proportion ce salaire minimum (Cass. soc. 10-7-2013 n° 12-15.608 FS-PB : RJS 10/13 n° 680). Etant toutefois précisé que, dans cette affaire, les dispositions conventionnelles prévoyaient expressément la proratisation du minimum annuel en cas d’absences indemnisées ou non et la neutralisation des périodes pendant lesquelles la rémunération était maintenue pour effectuer la comparaison.
A notre avis :
L’arrêt du 2 mars 2022, qui doit faire l’objet d’une publication aux bulletins des arrêts de la Cour de cassation, a une portée plus générale. En effet, de nombreuses conventions collectives comportent des dispositions sur les éléments de salaire à retenir pour vérifier le respect de la rémunération versée au minimum conventionnel applicable dans l’entreprise, sans forcément régler la question du maintien de salaire par l'employeur en cas de maladie du salarié. Dès lors que les dispositions conventionnelles excluent des éléments à prendre en compte les sommes qui ne constituent pas la contrepartie du travail, il y aura lieu de considérer, à défaut de dispositions conventionnelles contraires, que le complément employeur doit être exclu de la comparaison pour déterminer si le minimum conventionnel a bien été versé.
Documents et liens associés
Cass. soc. 2-3-2022 n° 19-25.616 FS-B, G. c/ Sté Hydro Building Systems France