La cession d'un bail commercial est résiliée judiciairement aux torts du locataire pour irrégularité de la cession. Le locataire cédant délivre alors au cessionnaire du bail, occupant des locaux, un commandement de quitter les lieux. Ce dernier s’exécute rapidement mais agit en garantie d’éviction contre le cédant pour obtenir l'indemnisation de son préjudice. En réponse, le cédant lui demande le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a versés au bailleur pendant la période d’occupation du cessionnaire.
La Cour de cassation rejette cette demande : lorsque le cédant est tenu de garantir, sur le fondement de l’article 1630 du Code civil, le cessionnaire de l’éviction du bail dont il souffre du fait que le bailleur lui dénie la qualité de locataire en raison de l’inopposabilité de la cession, il ne peut pas obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé sans faute les locaux.
Par suite, le locataire cédant était seul débiteur des indemnités d’occupation postérieures à la résiliation du bail.
A noter :
En matière de vente, l’acquéreur évincé bénéficie d’une garantie d’éviction en vertu de laquelle il peut demander au vendeur (C. civ. art. 1630) :
la restitution du prix ;
la restitution des fruits, lorsqu'il est obligé de les rendre au propriétaire qui l'évince ;
les frais faits sur la demande en garantie de l'acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ;
des dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat.
La Cour de cassation applique ici cette garantie en matière de cession d'un droit au bail commercial. Elle s'était déjà prononcée en ce sens (Cass. 3e civ. 24-6-1998 n° 96-19.042 : Bull. civ. III n° 130).
On sait que la cession irrégulière d'un bail commercial (que ce soit en cas de non-respect des formalités prévues aux articles 1216 ou 1690 du Code civil ou en cas d'inobservation des clauses contractuelles restreignant le droit de céder) n’est pas opposable au bailleur. Le cédant demeure locataire vis-à-vis de lui tant qu’il n’a pas été mis fin au bail et il est tenu de payer les loyers. L'arrêt commenté apporte une précision importante en ce qui concerne les conséquences de l’irrégularité de la cession dans les rapports entre le cédant et le cessionnaire : le cédant devant garantir le cessionnaire de l'éviction dont il souffre, il ne peut pas obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d'occupation qu'il a payés au bailleur pour la période où le cessionnaire a occupé les locaux.sans faute. C'est la première fois à notre connaissance qu'elle se prononce en ce sens dans le cadre d'un bail commercial (pour un arrêt ayant admis la condamnation d'un vendeur, tenu de la garantie d'éviction, à rembourser l'indemnité d'occupation réglée au véritable propriétaire par l'acquéreur évincé : Cass. 3e civ. 8-10-1974 n° 73-11.036 : Bull. civ. III n° 344).
Documents et liens associés :
Cass. 3e civ. 4-7-2024 n° 23-13.822 FS-B