Des époux mariés sans contrat décident d’adopter le régime de la séparation de biens. La convention de changement de régime est homologuée. Neuf ans plus tard, l’époux décède, laissant pour lui succéder son épouse et ses deux enfants issus d’une précédente union. Ces derniers assignent leur belle-mère en nullité pour fraude de la convention homologuée. Ils avancent le fait que cette convention a omis de mentionner leur existence afin de les priver de leurs droits successoraux. Ils estiment également que leur père s’est appauvri au profit de son épouse, ses pensions de retraite ayant servi à assumer les charges du mariage pour que Madame puisse se constituer un patrimoine immobilier.
La cour d’appel rejette leur demande et la Cour de cassation confirme. La convention litigieuse ne comporte aucune clause susceptible de nuire aux héritiers des époux dès lors que :
la dissimulation de l’existence des enfants d’un des époux lors de l’adoption d’un régime de séparation de biens, qui n’induit aucun avantage pour l’un ou l’autre des époux, n’est pas en elle-même constitutive d’une fraude. Cette omission peut en effet résulter d’une simple négligence sans volonté de tromper ni de nuire ;
la mention portée dans la requête en homologation peut être comprise en ce sens que les époux n’avaient pas d’enfant commun.
En outre, à la date du changement de régime, le patrimoine de l’époux, en instance de préretraite, se réduisait à des liquidités dont il avait la libre disposition. L’épouse, en activité salariée durant encore une quinzaine d’années, justifiait que le financement de ses biens immobiliers avait toujours été réalisé par remploi du prix de vente du bien précédent, ainsi que par divers emprunts ou autres apports personnels. Par suite, les enfants ne rapportaient pas la preuve d’une fraude à leurs droits.
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A noter :
En l’espèce, le changement de régime matrimonial était régi par le droit ancien (l’homologation datait de 1993). Mais la solution énoncée reste d’actualité. La Cour de cassation rappelle que la dissimulation de l’existence d’enfants à l’occasion d’un changement de régime matrimonial et spécialement de l’adoption d’un régime de séparation de biens n’est pas en soi frauduleuse (déjà en ce sens, Cass. 1e civ. 17-2-2010 n° 08-14.441 FS-BPI : BPAT 2/10 inf. 84, AJ Famille 2010 p. 191 obs. P. Hilt, D. 2010 p. 582 obs. V. Egéa ; Cass. 1e civ. 19-12-2012 n° 11.25-197 F-D et Cass. 1e civ. 19-12-2012 n° 11-25.288 F-D : BPAT 1/13 inf. 6).
Choisir une séparation de biens n’induit aucun avantage pour l’un ou l’autre époux et, en l’espèce, aucun amoindrissement du patrimoine de l’époux défunt n’a été caractérisé. Les juges du fond ont vérifié de surcroît si l’épouse avait profité des fonds personnels de son mari pour financer ses biens propres ; il n'en était rien. Juridiquement, la fraude n’était donc constituée dans aucun de ses éléments.