Selon une jurisprudence constante, l'accident survenu au salarié pendant qu'il est en mission est présumé être un accident du travail, peu important qu'il survienne à l'occasion d'un acte professionnel ou de la vie courante. L'employeur ou l'organisme social peuvent renverser la présomption en rapportant la preuve que le salarié s'était, lors de l'accident, interrompu dans l'exécution de sa mission pour un motif personnel (Cass. soc. 19-7-2001 n°s 99-21.536 FP-PBRI et 99-20.063 FP-PBRI : RJS 10/01 n° 1196 ; Cass. 2e civ. 16-9-2003 n° 02-30.009 FS-B : RJS 11/03 n° 1311).
A noter :
La preuve de l'interruption pour motif personnel peut être difficile à apporter. Par exemple, pour un accident s'étant produit la nuit dans une discrothèque en Chine, l'interruption de mission n'a pas été retenue car il n'était pas démontré qu'il était exclu que l'intéressé se soit rendu dans cette discothèque dans le but d'accompagner des clients ou de répondre à une invitation dans le cadre de sa mission (Cass. 2e civ. 12-10-201 n° 16-22.481 F-PB : RJS 12/17 n° 830).
Deux arrêts rendus récemment, l'un par la cour d'appel de Paris, l'autre par celle d'Amiens illustrent ces principes.
La mission n'est pas interrompue par un trajet en skate-board pour aller déjeuner...
Dans la première affaire, une hôtesse de l’air, en repos pendant une escale en Floride, avait chuté alors qu’elle se rendait en skate-board de son hôtel à un restaurant pour déjeuner. L’employeur soutenait que, le personnel étant, lors des escales, hébergé à l’hôtel où chaque salarié dispose d’une chambre personnelle et d’un restaurant permettant un service en chambre, le déplacement de la salariée résultait d’un choix personnel et que celle-ci ne se trouvait pas à ce moment-là sous sa subordination.
Ces arguments n’ont pas convaincu la cour d’appel. Les juges ont en effet relevé que l’accident avait bien eu lieu au cours de la mission, celle-ci étant définie comme un déplacement professionnel exécuté sur l’ordre de l’employeur et dans l’intérêt de l’entreprise, qu’il soit de courte durée ou nécessite un hébergement hors du domicile du salarié.
A noter :
Cet arrêt illustre ainsi l'acception large de la notion de mission par la jurisprudence : il peut aussi bien s'agir d'un déplacement occasionnel pour le compte de l'employeur que d'un déplacement habituel inhérent aux fonctions du salarié, comme par exemple pour le personnel naviguant des compagnies aériennes ou ferroviaire (pour un exemple concernant un agent SNCF, voir Cass. 2e civ. 16-9-2003 n° 02-30.009 FS-B : RJS 11/03 n° 1311).
Les juges d’appel ont retenu que le choix par la salariée d’aller déjeuner dans un restaurant à l’extérieur de l’hôtel pendant une journée de repos rémunérée par l’employeur au cours d’une mission ne constituait pas une volonté manifeste de se soustraire à l’autorité de l’employeur mais un acte de vie courante sans caractère exceptionnel, ajoutant que le fait qu'elle s'y soit rendue en skate-board ne démontre pas une activité strictement personnelle de nature à interrompre la mission, l’intéressée n'ayant pas pris des risques inconsidérés en optant pour ce mode de locomotion.
Dès lors, la salariée était bien sous la subordination de l'employeur lors de l'accident et la décision de prise en charge par la caisse était donc opposable à l'employeur.
... ni par une sortie à la patinoire entre collègues
Dans la seconde affaire, une salariée participait à une formation de 3 jours organisée par le comité social et économique, vraisemblablement dans une autre ville que celle de son travail ou de sa résidence. À l’issue de la première journée, elle s'était rendue, avec ses collègues, à la patinoire où elle avait fait une chute occasionnant une fracture. L’employeur avait contesté le caractère professionnel de l’accident estimant que celui-ci était intervenu à un moment où la salariée n’était plus sous son autorité. En première instance, le tribunal judiciaire lui donne raison, considérant que la salariée avait interrompu la mission pour un motif personnel et sans rapport avec son activité ou l’accomplissement d’un acte de la vie courante.
La cour d'appel d'Amiens infirme le jugement. Elle considère que l'accident était survenu pendant le temps de la mission et que celle-ci n'avait pas été interrompue pour un motif personnel puisque la salariée était partie se distraire avec ses collègues à la fin de la formation, qui reprenait le lendemain, restant ainsi sous l'autorité et le contrôle de l'employeur.
Dès lors, la société, qui invoquait seulement le fait que l'activité pratiquée était personnelle, échoue à détruire la présomption d'imputabilité. La décision de prise en charge lui était donc opposable.
A noter :
On peut se demander si la solution aurait été la même si la salariée s'était rendue à la patinoire seule ou avec des personnes sans lien avec son activité professionnelle.
Documents et liens associés
CA Paris 26-4-2024 n° 21/02321
CA Amiens 21-5-2024 n° 22/02047