Une société cède une de ses branches d’activité et conclut le lendemain avec l’acquéreur une convention de prestation de services par laquelle elle s'engage à mettre des locaux à sa disposition contre rémunération. L’acquéreur demande l’annulation de la cession pour réticence dolosive de la part de la société cédante. Cette dernière demande alors reconventionnellement le paiement d'une indemnité d'occupation en exécution de la convention de prestation de services. Mais l’acquéreur soulève l'irrecevabilité de cette demande pour inobservation de la clause de conciliation préalable prévue dans cette convention.
La demande reconventionnelle est déclarée irrecevable.
La convention de prestation de services prévoyait que, « en cas de litige, les parties s'engagent à trouver un accord amiable avec l'arbitrage de la Fedimag » et que, « à défaut d'accord amiable, compétence est attribuée au tribunal de commerce (…) nonobstant pluralité des parties » ; elle instituait bien une procédure de conciliation préalable.
En conséquence, dès lors que le contrat de prestation de services, qui fondait la demande reconventionnelle de la société cédante, contenait, à la différence du contrat de cession faisant l'objet de la demande principale de l’acquéreur, une clause de conciliation préalable, la demande reconventionnelle devait être précédée d'une tentative de conciliation, laquelle ne pouvait pas être régularisée en cours d'instance.
A noter : 1. La clause d'un contrat mettant en place une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge est licite et cette clause constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent (Cass. ch. mixte 14-2-2003 n° 00-19.423 P : RJDA 5/03 n° 556).
La chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé que, si la clause n'est pas assortie de conditions particulières de mise en œuvre, elle ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable (Cass. com. 29-4-2014 n° 12-27.004 F-PB : RJDA 8-9/14 n° 736 ; en l’espèce, la clause ne précisait pas la procédure à suivre). C’est cette jurisprudence que la société cédante invoquait pour contester l’existence même de l’instauration d’une procédure de conciliation préalable. Mais pour la chambre commerciale, la clause litigieuse mettait bien en place une telle procédure. Il en est de même de la clause d'un contrat par laquelle les parties s'engageaient « à solliciter l'avis d'un arbitre choisi d'un commun accord avant tout recours à une autre juridiction » (Cass. 3e civ. 19-5-2016 n° 15-14.464 FS-PB : RJDA 11/16 n° 831).
2. L’auteur du pourvoi faisait valoir également qu’une clause de conciliation préalable ne peut pas s’appliquer à une demande reconventionnelle et invoquait un arrêt récent ayant jugé que, une fois le juge régulièrement saisi par l'un des cocontractants, la fin de non-recevoir ne peut pas être opposée à la recevabilité des moyens ou des conclusions reconventionnelles présentés en défense par l'autre partie, sauf stipulation contraire (Cass. com. 24-5-2017 n° 15-25.457 FS-PBI : BRDA 14/17 inf. 11).
Mais au cas particulier les circonstances étaient différentes : la demande principale était relative à un contrat ne comportant pas de clause de conciliation préalable ; par suite, le juge, qui aurait été compétent pour le second contrat s’il n’y avait pas eu de clause de conciliation préalable, n’était pas déjà saisi. Peu importait, comme le prétendait également le pourvoi, que le contrat de prestation de services s’inscrive dans le cadre de la cession d’une branche d’activité ne comportant pas une telle clause et qu’il n’était qu’un contrat accessoire. Il y avait bien deux contrats différents et la demande reconventionnelle visant le contrat contenant la clause de conciliation préalable aurait dû faire l’objet d’une procédure de conciliation dès lors que le juge n’était pas saisi d’une demande principale ayant pour objet ce contrat.
3. Le non-respect d’une clause instituant entre les parties au litige une procédure de conciliation (ou de médiation) obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir de l’action en justice (Cass. ch. mixte 14-2-2003 n° 00-19.423 P : RJDA 5/03 n° 556 ; Cass. com. 29-4-2014 n° 12-27.004 F-PB : BRDA 13/14 inf. 14), qui ne peut pas être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance (Cass. ch. mixte 12-12-2014 n° 13-19.684 PBRI : BRDA 2/15 inf. 11 ; Cass. 3e civ. 6-10-2016 n° 15-17.989 F-PB : BRDA 21/16 inf. 10).
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 70013