Un frère assigne sa sœur aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de leur mère. À l'occasion de cette instance, la sœur soulève la nullité pour dol de deux donations-partages que la défunte leur avait consenties et du testament qu'elle laisse. Or ces libéralités contiennent une clause pénale prévoyant que, si elles venaient à être attaquées par l'un ou l'autre des donataires ou légataires, pour quelque cause que ce soit, celui-ci serait privé de toute part dans la quotité disponible ainsi que des biens donnés.
La sœur est condamnée en première instance à verser 20 000 euros à son frère au titre des clauses pénales. En appel, elle fait notamment valoir que ces clauses ont pour effet de porter une atteinte excessive à son droit d'agir en justice. Sans succès. L'arrêt d'appel énonce que les clauses de cette nature :
- sont valables si elles ne sont pas contraires à l'ordre public ;
- sont considérées comme disproportionnées lorsqu'elles ont pour effet de porter atteinte à la réserve ;
- doivent être proportionnelles au manquement du bénéficiaire ;
- peuvent être modérées.
Retenant que la quotité disponible s'élève à 857 175,93 euros et que le frère ne justifie pas d'un préjudice supérieur à celui de ses honoraires d'avocat, les juges d'appel portent l'indemnité à la charge de la sœur à la somme de 50 000 euros.
Cassation au visa de l'article 6, § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentale s. Selon ce texte, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'application de ces clauses n'avait pas pour effet de porter une atteinte excessive au droit d'agir en justice de la sœur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte visé.
À noter : Cette solution est dans le droit-fil de la jurisprudence récente qui subordonne aujourd'hui l'efficacité de la clause pénale, usuelle dans une donation-partage ou un testament, à un contrôle de proportionnalité : pareille clause peut être remise en cause si elle porte une atteinte excessive à un droit ou à une liberté fondamentale, tels le droit d'agir en justice (Cass. 1e civ. 16-12-2015 no 14-29.285 FS-PBI : Sol. Not. 2/16 inf. 39) ou celui de demander le partage (Cass. 1e civ. 13-4-2016 no 15-13.312 FS-PB : Sol. Not. 6/16 inf. 130).
Reste la question des critères de l'excès, que la Cour de cassation sera sans doute amenée à préciser, sans préjudice de la souveraineté des juges du fond dans leur mise en œuvre (M. Grimaldi, obs. sur les arrêts précités de 2015 et 2016 : RTD civ. 2016 p. 424).
Rappelons enfin, comme la cour d'appel avait pris soin de le faire, qu'une clause pénale adossée à une libéralité n'est valide que dans la mesure où elle n'est pas contraire à l’ordre public, ce qui implique, en particulier, qu'elle ne doit pas porter effectivement atteinte à la réserve héréditaire (Cass. 1e civ. 10-3-1970 no 68-13.205 : D. 1970 p. 584). Dans le cas particulier d'une donation-partage, il existe un risque que soit contestée sur le fondement de la prohibition des pactes sur succession future (C. civ. art. 722) la clause par laquelle le donateur prive le copartagé qui contesterait l'acte de sa vocation dans la quotité disponible pour en disposer au profit de ses copartagés. Aussi, certains conseillent d'adapter sa rédaction afin de « restreindre la pénalité à la privation […] de toute part dans les biens donnés s'imputant sur la quotité disponible » (M. Grimaldi et C. Vernières, De quelques clauses des donations-partages : Defrénois 15-4-2014 no 115t6 p. 386).
Emmanuel DE LOTH
Pour en savoir plus sur cette question, voir Mémento Successions et Libéralités n° 11255