Des particuliers espagnols souscrivent un prêt bancaire assorti d'une garantie hypothécaire. Le contrat contient une clause de déchéance du terme qui peut être mise en œuvre par la banque, dans certaines situations, en cas de défaut de paiement de plusieurs mensualités et, dans d'autres situations, en cas de défaut de paiement de n'importe quelle échéance du prêt. Le juge espagnol déclare abusive la seule partie de la clause prévoyant la déchéance du terme en cas de non-paiement d'une seule mensualité.
Saisie à titre préjudiciel, la CJUE considère que la clause jugée abusive ne peut pas être maintenue en partie moyennant la suppression des éléments qui la rendent abusive.
La seule suppression du motif de déchéance du terme rendant la clause abusive reviendrait à réviser son contenu en affectant sa substance.
Après suppression totale de la clause, deux cas de figure doivent être envisagés par le juge national :
- soit le contrat peut survivre à la suppression de la clause litigieuse ; dans ce cas, la clause abusive est écartée purement et simplement, sauf si le consommateur s'y oppose, notamment dans l'hypothèse où il considérerait que les poursuites engagées sur le fondement d'une telle clause lui seraient plus favorables que celles engagées en l'absence de clause ;
- soit le contrat ne peut pas subsister sans la clause supprimée et il est donc nul ; mais, ajoute la CJUE, si l'annulation du contrat expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables - en l'espèce, en le privant des garanties procédurales liées à la procédure de saisie hypothécaire et en le soumettant à une procédure d'exécution classique moins protectrice - le juge peut remédier à cette nullité et remplacer la clause supprimée en lui substituant une disposition de droit interne.
A noter : La CJUE a posé en principe que le juge ne pouvait pas réviser le contenu d’une clause abusive (CJUE 14-6-2012 aff. 618/10 : RJDA 8-9/12 n° 807). Dans la droite ligne de cette jurisprudence, elle précise ici qu'il ne peut pas non plus purger une telle clause de son caractère abusif en l'amputant de sa partie à l'origine du déséquilibre significatif : ce faisant, il procéderait à sa révision et, estime la Cour, une telle faculté porterait atteinte à l'effet dissuasif exercé sur les professionnels par la réglementation sur les clauses abusives.
La rigueur de cette règle est tempérée par deux correctifs, eux aussi guidés par le principe d'effectivité de la protection accordée au consommateur :
- si l'annulation du contrat résultant de la suppression de la clause est susceptible d'avoir, pour le consommateur, des conséquences telles qu'il serait dissuadé d'agir, le juge peut lui substituer une disposition supplétive de droit interne (CJUE 30-4-2014 aff. 26/13 : RJDA 7/14 n° 676). Faisant application de ces dispositions, la Cour de cassation a récemment jugé qu'il était possible de substituer le taux légal au taux conventionnel d'un prêt, déclaré abusif ; en effet, la stipulation d'un intérêt caractérisait le prêt litigieux, de sorte qu'il était impossible de prévoir sa gratuité sous peine d'entraîner son annulation et d'imposer la restitution immédiate du capital emprunté (Cass. 1e civ. 13-3-2019 n° 17-23.169 F-PB : BRDA 9/19 inf. 17) ;
- le consommateur peut toujours s'opposer à l'élimination d'une clause abusive (CJUE 14-6-2012 précité, point 65).
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation n° 8490