Après sa transformation de SARL en société anonyme (SA), une société réalise des augmentations de capital par appel privé à l'épargne en décembre 2011 et juin 2012. En novembre 2012, elle est placée en redressement judiciaire. Vingt-trois des souscripteurs aux augmentations de capital agissent alors en responsabilité contre le commissaire aux comptes de la société, estimant qu'il a contribué à donner une image erronée de la situation économique de la société en ne signalant pas que le président-directeur général de cette société avait fait l'objet d'une interdiction de gérer en octobre 2011 et en n'ayant pas déclenché une procédure d'alerte ou informé les actionnaires dès la constatation de l'état de cessation des paiements de la société.
La cour d'appel de Paris rejette cette demande pour les raisons suivantes.
Si l'interdiction de gérer a été publiée au Bodacc avant l'assemblée générale d'augmentation de capital, il n'est pas établi que le commissaire aux comptes en avait connaissance et il n'entre pas dans sa mission de surveiller ce bulletin. Le commissaire aux comptes n'a pas à rechercher activement les faits délictueux commis au sein de la société qu'il contrôle et qui ne sont pas en relation directe avec la certification des comptes.
S'agissant de l'état de cessation des paiements, le commissaire aux comptes est tenu à une obligation de moyens et sa responsabilité ne peut être engagée que s'il certifie des comptes faux par négligence ou insuffisance de vérification. En l'espèce, il n'était pas démontré que le commissaire aux comptes aurait pu savoir, au moment où il avait certifié les comptes clos au 30 juin 2011, que la société serait en état de cessation des paiements quelques mois plus tard, ni qu'elle l'était après la certification des comptes et avant l'ouverture de la souscription.
Enfin, l'attestation du commissaire aux comptes figurant dans le document d'appel à la souscription précisait que ce document avait été établi sous la responsabilité du président du conseil d'administration et que les informations économiques et prévisionnelles qui y étaient données n'étaient pas couvertes par son avis et n'étaient pas certifiées sincères. Ce document ajoutait que les informations données présentaient un caractère incertain et que les réalisations différeront parfois de manière significative des informations prévisionnelles présentées. L'extrait du rapport du même commissaire aux comptes, en qualité de commissaire à la transformation, présenté lors de l'assemblée générale ayant décidé la transformation de la société en SA soulignait le recul du résultat d'exploitation, un recul du ratio des fonds propres par rapport au total du bilan et une trésorerie négative qui augmentait, de même que l'endettement bancaire. Une lecture attentive de ce rapport et des précisions mentionnées dans l'extrait auraient certainement dû alerter les éventuels souscripteurs des risques de l'investissement.
En tout état de cause, à aucun moment, les commissaires aux comptes ne certifient les perspectives d'activité et de rentabilité de l'investissement.
A noter : Le commissaire aux comptes est tenu à une obligation de moyens. Ce n'est que dans certains cas, strictement définis, qu'il est tenu à une obligation de résultat (par exemple, en application de l'article L 210-8, al. 2 du Code de commerce, pour le contrôle de la régularité des modifications statutaires ou pour la certification de l'exactitude du montant total des rémunérations versées aux personnes les mieux rémunérées de la société).
Dans le cadre de sa mission de certification des comptes, il n'a donc pas à vérifier toutes les opérations comptables, ni à rechercher toutes les erreurs ou irrégularités, mais il doit effectuer tous les contrôles qu'il estime nécessaires afin d'acquérir un degré raisonnable d'assurance, et cela en vérifiant la régularité de la comptabilité, en pratiquant des contrôles par sondages et recoupements et en poussant plus avant ses investigations en cas de soupçons d'irrégularités (CA Bordeaux 4-11-1997 : Bull. CNCC 1998 n° 110 p. 203 note Ph. Merle ; CA Versailles 12-5-2011 : Bull. CNCC 2011 n° 163 p. 568 note Ph. Merle).
Arnaud WURTZ
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales nos 78146 et 78153