Des concubins achètent en indivision un immeuble, chacun pour moitié, au moyen de deux emprunts souscrits solidairement. Ils adhèrent à une assurance habitation et à une assurance garantissant, en cas d’invalidité, le remboursement de la totalité des prêts restant dus. Le couple se sépare puis vend l’immeuble. À l’occasion des comptes de liquidation, l’ex-concubin revendique deux créances contre l’indivision.
la première, à raison du paiement de l’assurance habitation au moyen de ses deniers personnels. La cour d’appel ne fait que partiellement droit à sa demande. Les cotisations payées, qui ont participé à la conservation de l’immeuble, doivent être imputées au passif de l’indivision. Mais il faut en déduire la fraction correspondant aux garanties couvrant les dommages subis personnellement par le titulaire du contrat et sa responsabilité civile ;
la seconde, au titre des mensualités des deux emprunts prises en charge par l’assurance durant l’année de son invalidité consécutive à son accident. Son ex-compagne n’ayant pas eu à s’acquitter desdites mensualités, le requérant estime être bénéficiaire d’une créance sur l’indivision. Réponse négative des juges d’appel. Le concubin n’ayant exposé aucune dépense au moyen de ses deniers personnels durant cette période d’invalidité, il n’est pas fondé à obtenir de l’indivision une indemnité correspondant aux sommes ainsi versées pour son compte.
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La Cour de cassation confirme l'arrêt en tous points.
A noter :
Tout indivisaire qui expose des dépenses pour assurer la conservation du bien indivis est créancier à l’égard de l’indivision d’une indemnité (C. civ. art. 815-13).
Il est acquis que l’assurance habitation, qui tend à la conservation de l’immeuble, incombe à l’indivision, en dépit de l’occupation privative (Cass. 1e civ. 20-1-2004 n° 01-17.124 F-P : AJ famille 2004 p. 103 obs. S. Deis-Beauquesne ; Cass. 1e civ. 16-3-2016 n° 15-15.704 F-D : Sol. Not. 5/16 inf. 106). Le requérant, qui avait occupé un temps l’immeuble avant sa vente, s’était d’ailleurs appuyé sur cette jurisprudence pour justifier de son droit à indemnité. En réalité, la cour d’appel ne conteste pas ce principe. Elle y apporte une précision nouvelle, corroborée par la Cour de cassation. Sur les primes d’assurance habitation, il faut distinguer entre ce qui relève de :
l’assurance du bien indivis, qui demeure à la charge de l’indivision et qui justifie un droit à indemnité de l’indivisaire qui l’aurait payée en intégralité ;
la couverture personnelle de l’indivisaire (vol, responsabilité civile), qui est à la charge de l’indivisaire.
Cette distinction implique désormais pour le notaire liquidateur de bien identifier le coût effectif de chaque garantie.
S’agissant du remboursement des emprunts, l’ex-concubin se revendiquait d’une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la prise en charge des mensualités de l’emprunt par l’assureur doit être portée au crédit de cet indivisaire. Ainsi au cas d’une assurance perte d’emploi prise à 100 % sur la tête d'un seul des deux emprunteurs, il a été jugé que sauf convention contraire, la mise en œuvre de l'assurance à la suite de la survenance d'un sinistre « a pour effet, dans les rapports entre les acquéreurs indivis, d'éteindre, à concurrence du montant de la prestation de l'assureur, la dette de contribution incombant à l'assuré concerné » (Cass. 1e civ. 15-12-2010 n° 09-16.693 F-PBI : D. 2011. 1393, note S. Brena) ; dans le même sens à propos d’une assurance invalidité-décès couvrant les deux co-emprunteurs (Cass. 1e civ. 12-3-2002 n° 00-21.271 FS-P : RTD civ. 2002. 805, obs. J. Mestre et B. Fages). Pour certains, la demande de prise en considération du remboursement du prêt dans le compte liquidatif d'indivision par l'assuré constituait une modalité d'exercice de ce recours en contribution (voir S. Brena précité). Au contraire, selon nous, ces arrêts laissaient planer un doute sérieux sur la possibilité d’inscrire une créance de l’indivisaire assuré contre l’indivision. Seule la question de la contribution entre indivisaires était explicitement déterminée par la Cour de cassation : aucun recours contributif possible d’un indivisaire à l’égard du coïndivisaire auquel l’assureur s’est substitué. Autrement dit, plus de contribution sur la tête de l’indivisaire impliquait que celui-ci ne pouvait, pour cette raison, ni être tenu pour débiteur à l’encontre de l’autre indivisaire (ce que disait explicitement la Cour de cassation), ni lui-même revendiquer une créance quelconque contre l’indivision (ce qui n’était pas dit explicitement dans l’arrêt de 2010).
En l’espèce, la Cour de cassation refuse, à juste titre, d’aller sur ce terrain. Le pourvoi faisait valoir l’existence d’une « créance sur l’indivision » à raison du paiement, par l’assureur, des arrérages de l’emprunt. La Cour de cassation s’en tient à l’article 815-13 du Code civil qui n’autorise la reconnaissance d’une créance contre l’indivision que si l’indivisaire s’est personnellement appauvri pour elle : autrement dit, il doit avoir engagé ses deniers personnels. La solution est conforme au droit de l’indivision et à l’article 815-13 du Code civil. En ce sens, une telle indemnité a été écartée lorsque les échéances du prêt ont été remboursées :
par une assurance invalidité, que celle-ci paie directement la banque ou qu’elle rembourse à son assuré les mensualités qu’il a continué de payer à la banque (respectivement Cass. 1e civ. 18-12-2013 n° 12-25.662 F-D ; Cass. 1e civ. 28-3-2018 n° 17-18.127 F-D) ;
par l’ex-épouse seule, mais au moyen de la pension alimentaire versée par son mari, dont le montant avait été fixé en fonction du montant des échéances (Cass. 1e civ. 23-1-2008 n° 07-10.753 F-PB : RJDA 5/08 n° 589, AJ fam. 2008 p. 164, obs. S. David).