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La conciliation dont bénéficie une entreprise n’autorise pas une banque à la déclarer en défaut

Une banque ne peut pas faire une déclaration de défaut à la Banque de France pour une entreprise dont elle a appris qu’elle était en cours de conciliation car cette information est confidentielle.

Cass. com. 3-7-2024 n° 22-24.068 FS-B, Sté Ora e-car c/ Sté Société générale


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©Getty Images

Une entreprise bénéficie d’une procédure de conciliation avec ses créanciers, parmi lesquels les crédits-bailleurs auxquels elle a acheté des véhicules à crédit. Quelques mois plus tard, une banque – la société mère de plusieurs des crédits-bailleurs – déclare l’entreprise en défaut auprès de la Banque de France et dégrade sa cotation au fichier bancaire des entreprises (Fiben). L’entreprise demande en référé à la banque la mainlevée de la mesure, faisant valoir que la banque ne peut lui reprocher aucun incident de paiement et que l’ouverture de la conciliation a un caractère confidentiel.

Une cour d’appel rejette la demande : la banque n’avait pas été appelée à la procédure de conciliation mais elle en avait été informée par le dirigeant de l’entreprise ; le signalement qu’elle avait effectué auprès de la Banque de France portait sur l’ouverture de cette procédure et non sur le contenu de celle-ci, de sorte que la banque n’avait pas utilisé une information qu’elle aurait dû conserver comme confidentielle.

La Cour de cassation censure ce raisonnement. L'ouverture de la procédure de conciliation – qui n'est pas l'un des signes d'absence probable de paiement par le débiteur visés à l'article 178 du règlement UE 575/2013 du 26 juin 2013 – était une information confidentielle que la banque ne pouvait pas utiliser pour justifier une déclaration de défaut, peu important que cette information lui avait été révélée par le bénéficiaire de cette procédure. En procédant à une telle déclaration de défaut, la banque avait causé un trouble manifestement illicite qu'il convenait de faire cesser.

A noter :

1° Toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité (C. com. art. L 611-15). Il s’agit là d’un gage d’efficacité de ces procédures préventives. La Cour de cassation interprète de manière large la notion de personnes ayant connaissance par leurs fonctions de la procédure. Ainsi, la confidentialité s’impose aux tiers, notamment aux journalistes et organes de presse à moins qu’ils ne justifient de la nécessité d'informer le public sur une question d'intérêt général (Cass. com. 15-12-2015 n° 14-11.500 FS-PBI : RJDA 3/16 n° 210 ; Cass. com. 13-6-2019 n° 18-10.688 FS-PB : RJDA 10/19 n° 642).

 C’est la première fois à notre connaissance que la Haute Juridiction fait application de la confidentialité à une banque non appelée à la conciliation, quelle que soit la façon dont celle-ci a appris l’existence de cette dernière.

2° Rappelons que le droit européen soumet les établissements de crédit à une réglementation prudentielle – tel le règlement UE 575/2013 du 26 juin 2013 – qui leur impose notamment d'évaluer leur risque de crédit. Selon l’article 178 de ce règlement, un débiteur est en défaut en cas d’arriéré de paiement de plus de 90 jours ou lorsque l’établissement estime que, sauf recours à des mesures telles que la réalisation de la garantie, le débiteur ne pourra probablement pas s'acquitter intégralement de ses obligations de crédit envers lui, son entreprise mère ou l'une de ses filiales. 

Dans l’affaire commentée, la banque soutenait que cette latitude d’appréciation lui permettait d’analyser l'ouverture d'une procédure de conciliation comme un signe d'une probable absence de paiement. La Cour de cassation rejette cet argument. Rappelons que la procédure de conciliation est ouverte aux entreprises (personnes physiques ou morales) qui éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et qui ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours (C. com. art. L 611-4 et L 611-5) et qu’elle tend à la négociation d’un accord avec les créanciers et principaux cocontractants. Admettre que l’ouverture d’une telle procédure justifie une déclaration de défaut à la Banque de France, laquelle procède ensuite à une dégradation de la cotation de l’entreprise, reviendrait à priver l'entreprise d'un accès au crédit et la conciliation de son utilité.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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