Désireuse d’installer une centrale photovoltaïque sur le toit de son usine, une société s’adresse à une entreprise spécialisée qui lui adresse un devis de 650 000 €. Sur la base de ce devis, la société signe un bon de commande et reçoit une première facture. La société constitue une filiale pour exploiter la centrale. L’entreprise adresse alors à la société un avoir correspondant à cette facture et à la filiale une facture du même montant. Quelques mois plus tard, l’entreprise établit au nom de la filiale un autre devis pour la même installation d'un montant de 600 000 € puis, après exécution des travaux, cinq nouvelles factures sur la base de ce prix. Celles-ci n’ayant pas été réglées, l’entreprise en réclame le paiement à la société mère.
La cour d’appel de Grenoble fait droit à la demande. Elle estime qu’aucun nouveau contrat n’a été conclu avec la filiale dès lors que le second devis n’a pas été accepté par celle-ci et que les factures libellées à son nom ne constituent qu’une proposition commerciale.
La Cour de cassation censure cette décision : le contrat de louage d’ouvrage n’est pas soumis à une forme particulière. La cour d’appel devait rechercher, comme elle y était invitée, si la preuve de la conclusion d’un nouveau contrat entre l’entreprise et la filiale ne résultait pas de l’exécution des travaux et de leur facturation, au nom de celle-ci, sur la base du prix mentionné dans le second devis.
A noter : le contrat de louage d'ouvrage, plus couramment appelé contrat d’entreprise, se forme par la seule rencontre des consentements des parties (contrat dit « consensuel ») ; aucun formalisme n’est exigé : l’établissement d’un devis descriptif n’est pas requis pour son existence (Cass. 3e civ. 18-6-1970 n° 69-10.167 : Bull. civ. III n° 421). Un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas non plus une condition de validité du contrat d'entreprise (Cass. com. 17-12-1997 n° 94-20.709 P : RJDA 3/98 n° 281 ; Cass. 1e civ. 28-11-2000 n° 98-17.560 F-P : RJDA 3/01 n° 297). Le principe perdure sous l’empire de la réforme du droit des contrats : dans les contrats de prestation de services, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation (C. civ. art. 1165 issu ord. de 2016-131 du 10-2-2016).
Un devis non accepté est insuffisant pour concrétiser l'accord des parties sur l'existence du contrat (Cass. com. 1-10-1991 n° 89-21.239 D : RJDA 6/92 n° 551). Mais la preuve de la conclusion du contrat peut résulter de son exécution par l’une des parties sans contestation de la part de l’autre. Ainsi, dans un cas où, après résiliation du contrat liant l’exploitant d’une décharge d’ordures ménagères et un syndicat intercommunal, ce dernier avait continué de livrer les ordures collectées au premier qui les avait acceptées, jugé que les intéressés avaient conclu un nouveau contrat d’entreprise (Cass. 1e civ. 28-11-2000 précité).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 19540