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Conditions d'une servitude par destination du père de famille

Seul le dernier acte de division doit être analysé pour reconnaître une servitude par destination du père de famille dès lors que les fonds ont été réunis sous un même propriétaire avant la donation-partage.

Cass. 3e civ. 23-1-2025 n° 23-12.385 FS-B


Par Mathilde SOURBET
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@Getty images

En 1983, une donation-partage attribue à un frère et sa sœur la propriété de deux maisons contiguës. Des héritiers de la sœur assignent le frère, en revendication de la copropriété du sas d'entrée et d'un escalier intérieur, et subsidiairement en reconnaissance d'une servitude de passage par destination du père de famille, ainsi qu’une indemnité d'occupation.

La cour d’appel rejette leur demande. Elle estime qu’elle ne peut reconnaître la servitude de passage par destination du père de famille puisque la donation-partage de 1983 ne constitue pas l’acte procédant à la première séparation des deux fonds, ceux-ci ayant été divisés au moins en 1928 lors du décès du premier propriétaire. Elle ajoute que les demandeurs n’apportent pas la preuve que l'acte par lequel s'est opérée la séparation des deux héritages ne contient aucune disposition contraire à l'existence de la servitude invoquée. Elle retient, en outre, l’existence passée d'une ouverture indépendante sur la maison des héritiers pour écarter la servitude.

Censure de la Cour de cassation. La Haute Juridiction rappelle qu’au regard des articles 693 et 694 du Code civil, on ne peut reconnaître une servitude par destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude. Qu’il en découle que les conditions d'existence d'une servitude par destination du père de famille doivent s'apprécier au jour de la division des fonds concernés, y compris lorsque les deux fonds, après avoir été réunis, font l'objet d'une nouvelle division. De plus, la destination du père de famille vaut titre à l’égard des servitudes discontinues lorsqu'existent, lors de la division d'un fonds, des signes apparents de la servitude et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien.

Ainsi, dès lors que la cour d’appel a constaté que les fonds divisés avaient été réunis, avant la donation-partage de 1983, dans les mains d'un même propriétaire, il lui revenait d'apprécier l'existence d'une stipulation contraire au maintien d'une servitude qu’au regard du seul dernier acte de division : la donation-partage. En outre, dès lors qu’elle a constaté des aménagements dans le bâtiment, elle se devait de caractériser en quoi ces aménagements excluaient tout signe apparent de la servitude par destination du père de famille.

A noter :

L’arrêt commenté donne une précision intéressante sur le régime juridique complexe des servitudes par destination du père de famille.

Pour se prononcer sur l'existence d'une servitude par destination du père de famille, les juges du fond sont d’abord tenus d'identifier les signes extérieurs permanents témoignant de l'existence de la charge. Il peut s'agir de diverses constructions ou aménagements tels qu'un chemin (Cass. 3e civ. 5-4-2006 n° 05-13.625 ; Cass. 3e civ. 13-11-2013 n° 12-21.779), une porte, un escalier ou une fenêtre. Pour être pris en compte, les signes apparents doivent être contemporains de la division. Ainsi, le juge ne peut pas se contenter de faire référence à des restes de portillon observés sur le terrain, sans rechercher si cet équipement existait lors du fractionnement de la propriété (Cass. 3e civ. 19-2-2003 n° 00-21.465 FS-PB). S’il n’y a aucun signe apparent de servitude, il incombe aux juges de rechercher si de tels éléments n'existaient pas lors de l'opération (Cass. 3e civ. 11-6-1992 n° 90-16.144 : Bull. civ. III n° 201). Un élément insuffisant, ambigu ne saurait être retenu comme signe apparent de servitude. Il incombe aux juges de justifier précisément les raisons pour lesquelles ils refusent de considérer un signe apparent de servitude, ce qui manquait dans l’analyse des juges du fond en l’espèce.

Lorsque les signes apparents de servitude existent, la reconnaissance de la servitude par destination du père de famille, ne peut alors être écartée que par des dispositions contraires figurant précisément dans l'acte qui a opéré la division (C. civ. art.  694). L’intérêt de l’arrêt commenté ici réside dans la complexité des faits, puisque les fonds avaient été divisés puis réunis puis de nouveau divisés. La Cour de cassation précise que la première division importait peu, dès lors que les biens avaient été réunis de nouveau dans les mains d’un même propriétaire qui par la suite a procédé à une autre division. Les juges ne devaient alors examiner que le dernier acte de division (l’acte de donation-partage en l’espèce) pour vérifier l’existence de stipulations contraires à la servitude.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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