À la suite de fortes pluies, un mur de soutènement s’effondre sur le fonds inférieur. Une expertise judiciaire préconise des travaux d’irrigation par la mise en place de constructions sur le fonds inférieur, ce que ce dernier refuse. Afin d’assurer l’écoulement des eaux de pluie, le fonds supérieur réalise de nouveaux travaux.
Les deux parties s’assignent respectivement en indemnisation de leurs préjudices matériels et/ou de jouissance.
La cour d’appel limite non seulement le montant de l’indemnisation du fonds supérieur au titre du préjudice de jouissance du fonds inférieur. Mais elle condamne en plus ce dernier à payer au fonds supérieur une indemnité pour surcoût des travaux et préjudice moral lié au retard pour refus injustifié à la mise en œuvre de premier dispositif d’évacuation des eaux pluviales, estimant que le fonds inférieur y était tenu en application de la servitude légale dont il était grevé.
Censure de la Cour de cassation. Sur le fondement des articles 544, 545, 637 et 640 du Code civil, la Haute Juridiction rappelle que si la servitude d’écoulement des eaux s’impose au fond inférieur, le fond supérieur ne peut pas l’aggraver. Elle précise qu’une servitude ne peut conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui.
Dès lors, le propriétaire du fonds inférieur ne commet pas de faute, au sens de l’article 1382, devenu 1240 du Code civil, s’il s'oppose à la réalisation d'un ouvrage qui aggrave l'exercice de la servitude naturelle d'écoulement des eaux dont il est grevé. Les travaux préconisés par l’expert prévoyant une structure en béton équipée d’un dispositif de drainage passant par le fonds inférieur avec pose d’un tuyau le long du mur de clôture de son terrain entraînaient un empiétement de la construction sur son fonds que ce dernier étant en droit de refuser.
A noter :
Si une servitude peut limiter l'exercice de certaines prérogatives par le propriétaire du fonds servant, obligé de respecter la charge qui y est instituée, elle ne doit pas porter directement atteinte au caractère absolu de son droit de propriété. Une servitude ne peut pas être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de son bien, même si cette privation ne s'exerce que sur une partie des lieux (Cass. 3e civ. 24-5-2000 n° 97-22.255 FS-PF : Bull. civ. III n° 113 ; Cass. 3e civ. 12-12-2007 n° 06-18.288 FS-D ; Cass. 3e civ. 6-6-2019 n° 18-14.547 FS-PBI : BPIM 4/19 inf. 307). Par principe, une servitude ne peut pas non plus conférer le droit d'empiéter sur la propriété d'autrui (Cass. 3e civ. 27-6-2001 n° 98-15.216 FS-PB : JCP N 2002 n° 31-35 p. 1168 ; Cass. 3e civ. 23-11-2017 n° 16-20.521 F-D), quand bien même il s'agirait de réaliser des ouvrages nécessaires à l'usage de la charge (Cass. 3e civ. 1-4-2009 n° 08-11.079 FS-PB).