Une femme décède laissant son fils unique et un légataire particulier. Le testament olographe qui institue le second est contesté par le premier.
À juste titre pour la cour d’appel qui le déclare nul. Le rapport d’expertise judiciaire de l’écrit litigieux a, en effet, révélé que si le texte du testament était bien de la main de la défunte, celle-ci n’était pas l’auteure du « 9 » de la date du « 26 mars 2009 » apposée dessus. Or, le testament olographe qui n’est pas daté de la main du testateur n’est pas valable (C. civ. art. 970). Ce vice formel suffit à en emporter la nullité, sans qu’il y ait lieu d’examiner le moyen tiré de l’insanité d’esprit de la testatrice.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis, au visa du même texte. Lorsqu’un testament olographe comporte une date dont un ou plusieurs éléments nécessaires pour la constituer ont été portés par un tiers, la nullité de celui-ci n’est pas encourue dès lors que des éléments intrinsèques à l’acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu’il a été rédigé au cours d’une période déterminée et qu’il n’est pas démontré qu’au cours de cette période, le testateur ait été frappé d’une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. La cour d’appel aurait dû rechercher, malgré cette irrégularité, si des éléments intrinsèques à l’acte (« 26 mars 200 »), éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, ne permettaient pas d’établir que le testament avait été rédigé au cours d’une période déterminée.
A noter :
En principe, le testament olographe doit être daté de la main du testateur, à peine de nullité (C. civ. art. 970 et 1001). Celui-ci est ainsi tenu d’y faire figurer l’année, le mois et le quantième de sa rédaction. La fonction est double : contrôler la capacité du de cujus au moment de tester et fixer le rang des dispositions testamentaires, en cas d’incompatibilité.
Dès lors, lorsque la date a été complétée par un tiers, le testament peut-il être sauvé de la nullité pour vice de forme ? À cette question, la Haute Juridiction répond désormais favorablement. Pour ce faire, elle choisit de faire une application combinée de sa jurisprudence la plus récente, de la « date indifférente », avec celle, classique, de la « date reconstituée », chacune ayant été dégagée à propos de testaments dépourvus - par le testateur - de date certaine, parce qu’incomplète, voire absente (sur ces jurisprudences, notamment, F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet : Droit civil. Les successions. Les libéralités, Précis Dalloz 5e éd. 2024, n°s 438 s.).
Intéressons-nous à la première jurisprudence, « de la date indifférente » (Cass. 1e civ. 9-3-1983 n° 82-11.259, Payan : Bull. civ. I n° 95, GAJC, t. 1, Dalloz 13e éd. 2015, n° 125-126, p. 667, à propos d’un testament daté de « janvier 1975 » ; Cass. 1e civ. 1-7-1986 n° 84-17.298 : Bull. civ. I n° 193, à propos d’un testament daté de « octobre 1972 »). Selon elle, le testament ne doit pas être annulé lorsque la capacité du testateur, pendant la période de rédaction, ne fait pas de doute, et que celui-ci n’a pas établi de testament révocatoire (ou incompatible) ultérieurement. Autrement dit, la réalisation des vérifications liées à l’utilité de la date (capacité, maintien de l’intention libérale) rend indifférents les éléments de la date manquants du fait d’un oubli du de cujus. Le champ d’application de cette solution a, par ailleurs, été étendu au-delà des premières hypothèses citées où seul le quantième faisait défaut (à propos de testaments non datés, Cass. 1e civ. 1-6-1994 n° 92-14.272 : Bull. civ. I n° 200 ; Cass. 1e civ. 10-5-2007 n° 05-14.366 FS-PB : BPAT 4/07 inf. 112, RTD civ. 2007 p. 604 obs. M. Grimaldi ; Cass. 1e civ. 5-3-2014 n° 13-14.093 F-PB : BPAT 3/14 inf. 135, RTD civ. 2014 p. 428 obs. M. Grimaldi).
La seconde jurisprudence, « de la date reconstituée », autorise à reconstituer la date complète à la condition que les éléments qui manquent soient déterminés à partir du testament lui-même, par des éléments intrinsèques (en l’espèce la mention « 26 mars 200 » écrite de la main de la testatrice), complétés, le cas échéant, pas des éléments extrinsèques (pour une illustration, Cass. civ. 24-6-1952 : D. 1952 p. 613).
La Cour de cassation avait déjà validé le principe d’une application combinée de ses jurisprudences pour reconstituer la date utile à connaître (Cass. 1e civ. 30-6-1992 n° 90-19.021 : Bull. civ. I n° 215, D. 1993 p. 229 obs. M. Grimaldi, à propos d’un testament avec une date incomplète (quantième) ; Cass. 1e civ. 22-11-2023 n° 21-17.524 F-B : BPAT 1/24 inf. 25, RTD civ. 2024 p. 170 obs. M. Grimaldi, à propos d’un testament non daté). Dans l’affaire commentée, elle fait une nouvelle fois preuve de libéralisme, et ce, à double titre :
- s’agissant de l’intervention d’un tiers. Elle avait eu l’occasion par le passé d’adopter une position plus rigoriste à propos d’un testament dont la date – jour, mois, année - avait été portée par un tiers, puisqu’elle en avait déduit que cet écrit non daté ne pouvait avoir valeur de testament (Cass. 1e civ. 19-4-1988 n° 86-16.160 : Bull. civ. I n° 114, Defrénois 1988 p. 1229 note M. Grimaldi). La Haute Juridiction semble ici abandonner cette solution ancienne pour assurer, sous certaines conditions, l’efficacité des dispositions de dernières volontés (« favor testamenti ») ;
- s’agissant de la date incomplète. Elle reconnaît un nouveau cas d’application combinée de la jurisprudence « de la date indifférente » et de celle « de la date reconstituée », lorsque l’année de la date du testament fait défaut.
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