Un locataire, exploitant un restaurant, procède, sans avoir préalablement obtenu l’accord de l’assemblée générale des copropriétaires, au remplacement du conduit d’évacuation des fumées, partie commune. Le propriétaire du lot l’assigne en référé afin qu’il mette fin au trouble manifestement illicite que constitue selon lui ces travaux, et qu’il remette les lieux dans leur état antérieur.
La cour d’appel ordonne l’arrêt immédiat des travaux et la remise en état des lieux : les travaux, qui portaient sur des parties communes, nécessitaient une autorisation préalable de l’assemblée générale, quand bien même la destination du local loué nécessitait la pose de ce nouveau conduit pour permettre l’exercice de l’activité de restauration autorisée par le bail. Ils constituaient donc un trouble manifestement illicite, et, en l’absence de production d’une autorisation a posteriori de l’assemblée générale, leur régularisation n’était qu’hypothétique et aucun aménagement n’était de nature à assurer le respect du règlement de copropriété, de sorte que la seule mesure nécessaire et proportionnée à la cessation du trouble était la remise en état des lieux.
Le pourvoi est rejeté.
A noter : confirmation de jurisprudence. En cas de « trouble manifestement illicite », le président du tribunal de grande instance peut ordonner, en référé, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour y remédier (CPC art. 809). Le trouble manifestement illicite est caractérisé par toute violation évidente d’une règle de droit. La violation de la loi du 10 juillet 1965 est susceptible de constituer le caractère manifestement illicite d’un trouble et un copropriétaire peut, sans être astreint à démontrer qu’il subit un préjudice personnel, agir seul en cessation de ce trouble résultant d’une violation du règlement de copropriété ou d’une atteinte aux parties communes (Cass. 3e civ. 14-1-2016 n° 14-25.538). La réalisation, sans autorisation de l’assemblée générale, de travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble est considérée comme constitutive d’un tel trouble (Cass. 3e civ. 17-1-1996 n° 94-13.702 : RJDA 6/96 n° 825 ; Cass. 3e civ. 30-10-2012 n° 09-12.432). Jusqu’à récemment, la Cour de cassation laissait à l’appréciation souveraine des juges du fond le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble ou à empêcher la survenance du dommage (Cass. 2e civ. 12-2-2004 n° 01-17.632 : Bull. civ. II n° 65 ; Cass. 2e civ. 15-11-2007 n° 07-12.304 : Bull. civ. II n° 255). Mais, prenant acte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH 17-10-2013 n° 27013/07, Winterstein c/ France), elle a récemment évolué vers un contrôle de la mesure ainsi ordonnée (Cass. 1e civ. 30-9-2015 n° 14-16.273 : Bull. civ. I n° 228 ; Cass. 3e civ. 21-1-2016 n° 15-10.566 : BPIM 2/16 inf. 92). En l’espèce, la cour d’appel a caractérisé l’existence d’un trouble manifestement illicite et a vérifié que la mesure de remise en état était la seule mesure nécessaire et proportionnée à la cessation du trouble. Le pourvoi ne pouvait donc qu'être rejeté.
Anne-Lise COLLOMP, Conseiller référendaire à la Cour de cassation.
Pour en savoir plus sur les droits des copropriétaires : voir Mémento Gestion immobilière n° 35380 s.