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Coronavirus (Covid-19) - Appréciation de la continuité d’exploitation : quelles conséquences comptables ?

Dans le contexte actuel de la crise sanitaire, l’évaluation de la continuité de l'exploitation est un sujet déterminant pour les prochains arrêtés comptables. Ce dossier répond aux questions suivantes : quand et comment apprécier la continuité d’exploitation, quelles sont les conséquences comptables ?


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Par PwC, auteur du Mémento Comptable.

Ce dossier est également publié dans le FRC.  

À quelle date doit-on apprécier la continuité de l'exploitation ?

À la date d’arrêté des comptes…

1. Conformément au Code de commerce, les états financiers doivent être établis sur une base de continuité d'exploitation (C. com. art. L 123-20), sauf si la direction a l'intention (ou n'a pas d'autre solution réaliste que) de liquider l'entité ou de cesser son activité.

C'est pourquoi, dans une récente mise à jour de sa note d’information NI.III sur la continuité d’exploitation de l’entreprise (« Continuité d’exploitation de l’entité : Prévention et traitement des difficultés - Alerte du commissaire aux comptes », version 3, janvier 2020, § 2.11 ; voir FRC 4/20 inf. 7), la CNCC rappelle que les entités ont une obligation implicite d’évaluer, lors de l'établissement des comptes, la capacité de l'entité à poursuivre son exploitation dans un avenir prévisible.

Ainsi, comme le précisait l’ancienne version de cette note d’information, la continuité d’exploitation s’apprécie lors de l'arrêté des comptes par les organes de direction de l'entreprise, en tenant compte de tous les éléments susceptibles d'affecter la poursuite de l'activité dans un avenir prévisible (ancienne rédaction de la Note d'information NI.III, version 2, juin 2012, § 2.21).

… en tenant compte de tous les événements postérieurs à la clôture

2. Les événements postérieurs à la clôture sont donc pris en compte pour apprécier la continuité d’exploitation à la clôture.

Pour rappel, en l’absence de règle spécifique en cas de continuité d’exploitation définitivement compromise à la date d’arrêté des comptes, c’est le traitement défini par le PCG en cas de survenance d’un événement postérieurement à la clôture de l’exercice qui s’applique (voir MC n° 52310 s. ; confirmé par le communiqué du Collège de l’ANC du 2-4-2020 relatif aux conséquences du Covid-19 sur les comptes au 31 décembre 2019, § 3).

En conséquence, les incidences diffèrent selon que l'événement postérieur mettant fin à la continuité de l'exploitation a (ou n'a pas) un lien direct prépondérant avec une situation existant à la clôture de l'exercice (voir ci-après n° 26 s.) :

- s’il existe un lien direct, les comptes annuels doivent être ajustés (PCG art. 513-4) : la convention de continuité d’exploitation doit être abandonnée, les comptes établis en valeurs liquidatives et l’annexe adaptée ;

- s’il n’existe aucun lien direct, les comptes n'ont pas à être modifiés, mais une information en annexe est obligatoire (PCG art. 833-2).

Pour les clôtures au 31 décembre 2019 et antérieures, le Covid-19 est un événement postclôture sans lien avec une situation existant à la clôture (Communiqué du Collège de l’ANC du 2-4-2020 relatif aux conséquences du Covid-19 sur les comptes au 31 décembre 2019, § 1 et Communiqué CNCC/CSOEC du 25-3-2020 relatif aux conséquences de la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de Covid-19, Q1.1). Selon l’ANC (Communiqué précité, § 1) :- pour les clôtures de janvier et février 2020, une analyse doit être conduite, par chaque entité, au regard de ses activités, pour déterminer si les événements liés au Covid-19 ont pris naissance au cours de l’exercice (auquel cas, les comptes sont impactés) ou postérieurement à l’exercice (auquel cas, seule une information en annexe doit être donnée) ;- pour les clôtures de mars 2020 et postérieurement, les comptes doivent obligatoirement tenir compte de cet événement et de ses conséquences.
L’ANC et la CNCC devraient apporter prochainement des précisions pour indiquer aux entités le traitement comptable des conséquences du Covid-19 sur les clôtures 2020.
Voir notre article Comptes sociaux et consolidés en règles françaises : comment traiter les impacts de l'épidémie de Covid-19 ?

Dans quelles situations la continuité d’exploitation n’est-elle plus assurée ?

3. Deux situations peuvent être envisagées à la clôture (Note d'information NI.I CNCC « Les rapports du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés », décembre 2018, 3e édition, § 5) :

La continuité d’exploitation est incertaine

4. La continuité d'exploitation est considérée comme incertaine. C’est le cas lorsque la situation n'est pas définitivement compromise mais dépend de la réalisation de certaines conditions (par exemple : renouvellement d'une ligne de crédit, soutien de la société mère, obtention d’aides de l’État, renouvellement de commandes, poursuite des marchés actuels, remplacement des hommes clés…).

La continuité d’exploitation est définitivement compromise

5. La continuité d’exploitation est définitivement compromise lorsque :

- une décision de cessation d’activité visant à la liquidation a été prise ou formellement engagée par les dirigeants ;

- ou une décision judiciaire de liquidation a été prononcée (plan de redressement non accepté).

Lien avec les procédures amiables et judiciaires

6. Le tableau ci-après recense les différentes situations dans lesquelles une entreprise peut se retrouver à la date d’arrêté des comptes et les procédures judiciaires correspondantes, le cas échéant.

Il a été établi, notamment, à partir de la NEP 570 « Continuité d'exploitation » modifiée par arrêté du 26 mai 2017 et de la Note d'information CNCC NI.III précitée (version 3, janvier 2020).

Les différentes situations

Continuité d'exploitation (1)

Les procédures amiables ou judiciaires correspondantes (2)

Difficultés sans remise en cause de la poursuite de l'activité

Assurée

-

Poursuite de l'activité sous certaines conditions (par exemple : obtention de commandes, d'une ligne de crédit, du soutien de la société mère…)

    

Incertaine

-

Mandat ad hoc ou procédure de conciliation (voir MC 61275)

 

Difficultés de nature à conduire à l'état de cessation des paiements

-

Mandat ad hoc ou procédure de conciliation (3) (voir MC 61275)

Procédure de sauvegarde (3) (voir MC 61380) ou Redressement judiciaire sans cessation des paiements

(voir MC 61595)

 

État de cessation des paiements (4)

Jugement de redressement judiciaire

(voir MC 61595)

Période d'observation du redressement judiciaire (voir MC 61600)

Plan de redressement accepté

 Période de redressement judiciaire 

(MC 61605)

 

Plan de redressement non accepté (décision judiciaire)

Définitivement compromise

Liquidation judiciaire (voir MC 61610)

État de cessation des paiements (4)

Liquidation judiciaire lorsque le redressement est manifestement impossible

(MC 61595)

Décision de cessation de l'activité (5)

N.A.

(1) À apprécier en fonction des circonstances propres à chaque espèce. Voir ci-après n° 10 s.

(2) Procédures résultant du Code de commerce ; voir MC 61275 s. Ces procédures sont sans conséquence directe sur les comptes annuels (Bull. CNCC n° 96, décembre 1994, CD 94-11, p. 752).

(3) Possible si la cessation des paiements est intervenue depuis moins de 45 jours.

(4) Sur la date d’appréciation de l’état de cessation des paiements précisée par l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19, voir ci-après n° 35.

(5) Liquidation conventionnelle (voir MC 61805).

En synthèse

7. Les implications comptables étant différentes selon les situations (voir ci-après n° 13 s.), il est primordial de bien apprécier la situation dans laquelle l’entreprise se trouve à la date d’arrêté des comptes.

Les questions à se poser à la date d’arrêté des comptes sont donc, à notre avis, dans l’ordre les suivantes :

Q1. Les dirigeants de l’entreprise ont-ils formellement engagé la décision de liquider la société ?

Q2. Une décision judiciaire de liquider a-t-elle été prononcée ?

Si la réponse est oui à l’une de ces deux questions, la continuité d’exploitation est définitivement compromise. Dans ce cas, voir ci-après n° 26 s.

Si la réponse est non :

Q3. L’entreprise est-elle engagée dans une procédure collective amiable ou judiciaire ? Procédure de sauvegarde, de conciliation, redressement judiciaire… 

Q4. L’entreprise est-elle en état de cessation des paiements sans avoir encore procédé à sa déclaration ? (pour apprécier l’état de cessation des paiements à la date d’arrêté, voir ci-après n° 35 s.).

Si la réponse est oui à l’une de ces deux questions, la continuité d’exploitation est nécessairement incertaine. Dans ce cas, voir ci-après n° 20 s.

Pour apprécier l’état de cessation des paiements à la date d’arrêté, voir notre article « Cessation des paiements : comment l’estimer ? ».

Si la réponse est non :

Q5. L’entreprise risque-t-elle d’être en état de cessation des paiements dans un avenir prévisible ?

Pour apprécier le risque de cessation des paiements et conclure si la continuité d’exploitation est assurée ou incertaine, voir ci-après n° 8 s.

Dans sa note du 24 novembre 2008 relative à la crise économique de 2008-2009, la CNCC avait indiqué que les commissaires aux comptes devraient rapidement s'enquérir auprès des entreprises qu'ils contrôlent de l'impact de la crise sur leur activité et leur trésorerie, notamment afin d'identifier des situations de remise en cause de la continuité d'exploitation et de satisfaire à leurs obligations en matière de déclenchement de la procédure d'alerte. Cet entretien a pour objectif de comprendre comment la direction entend financer son activité pour les mois à venir (soutien des banques, respect des covenants bancaires pour le maintien des lignes de crédit, etc.) et permet aux commissaires aux comptes d'adapter leur stratégie d'audit.
Dans son communiqué du 19 mars 2020 relative à la crise sanitaire actuelle, le H3C incite les commissaires aux comptes appelés à mettre en œuvre la procédure d’alerte, à privilégier une phase initiale de dialogue avec le chef d’entreprise, dite « phase zéro ».
Cet entretien permet d'instaurer un climat de confiance réciproque et d'envisager toutes les mesures auxquelles l'entreprise peut avoir recours (mesures gouvernementales exceptionnelles, report d'échéances, moratoires, médiation du crédit). Voir FRC 5/20 inf. 8, 9 et 10.

Sur la procédure d’alerte, voir FRC Hors-série 12/19 n° 90.3.

Sur les impacts sur le rapport d’audit du commissaire aux comptes, voir FRC 5/20 inf. 8.

Sur quelle période faut-il apprécier le risque de cessation des paiements ?

Sur une période de 12 mois…

8. Comme indiqué ci-avant (voir n° 1), la continuité d’exploitation s’apprécie en tenant compte de tous les éléments susceptibles d'affecter la poursuite de l'activité dans un avenir prévisible.

Que faut-il entendre par « dans un avenir prévisible » ?

Selon la CNCC, lorsque le référentiel comptable ne définit pas la période sur laquelle porte l'évaluation faite par la direction, la continuité d'exploitation est appréciée sur une période de douze mois à compter de la clôture de l'exercice (NEP 570 précitée, § 7).

… au minimum

9. Notons qu’en normes IFRS, l’appréciation de la capacité de l'entité à poursuivre son exploitation doit être réalisée en tenant compte de toutes les informations disponibles sur une période d'au moins douze mois après la clôture de l'exercice (ĀnormeXIASGBIAS 1.26ā).

Comment apprécier le risque de cessation des paiements ?

Sur la base de faits et circonstances objectifs défavorables…

10. La Note d’information CNCC NI.III précitée (version 3, janvier 2020, § 2.12) présente de nombreux exemples de faits objectifs susceptibles d’affecter la poursuite de l’activité dans un avenir prévisible et donc de nature à compromettre la continuité d'exploitation.

Ils concernent notamment la situation financière, l’exploitation de l’entité et son environnement économique et social (Note d’information CNCC NI.III précitée, § 2.12) :

Faits relatifs à la situation financière (1)

Faits relatifs à l’exploitation

Faits relatifs à l’environnement économique et social (2)

  • - capitaux propres négatifs

  • - fonds de roulement très dégradé

  • - augmentation considérable du besoin en fonds de roulement

  • - décision d’une société mère de supprimer son soutien à une filiale

  • - dégradation des principaux équilibres financiers

  • - situation de trésorerie négative ou s’aggravant de telle sorte qu’elle nécessite des demandes de renouvellement ou de report d’échéances de dettes ou conduit à l’impossibilité de régler les créanciers à l’échéance

  • - impossibilité de renouveler à leur échéance les crédits indispensables ou d’obtenir les financements supplémentaires nécessaires

  • - demande par les tiers de sûretés exorbitantes

  • - recherche de sources de financement excessivement onéreuses

  • - crédit fournisseur inférieur aux normes ou nul (paiement comptant)

  • - cessation de paiement d’un débiteur important

  • - absorption d’une filiale en difficulté

  • - pour un comité d’entreprise : indices d’existence de difficultés économiques dans l’un de ses deux budgets, ceux-ci étant indépendants et non fongibles (Bull. CNCC n° 186, juin 2017, EJ 2016-06, p. 331 s. à propos d’un comité d’entreprise).

  • - insuffisance de l’excédent brut d’exploitation

  • - capacité d’autofinancement négative

  • - pertes de marchés importants, affaiblissement du carnet de commandes en deçà d’un seuil de rentabilité

  • - disparition de sources importantes de revenus, directement ou par le biais des filiales

  • - pertes de licences ou de brevets, fin d’un contrat de franchise, non-renouvellement de concessions ou de régies

  • - rupture d’approvisionnement en matières premières essentielles

  • - sous-activité notable et continue

  • - importance des frais financiers

 

  • - destruction de l’outil de production

  • - conflits sociaux graves et répétés

  • - non-respect de réglementations importantes en matière environnementale

  • - conflits graves chez des clients ou des fournisseurs importants ou difficultés politiques sérieuses dans leur pays

  • - procédures judiciaires ou expropriation(s) en cours

  • - dépendance significative à l’égard du succès d’un projet

  • - inexécution par des tiers ou par l’entreprise de conventions essentielles (franchise, distribution, sous-traitance…)

  • - changements de lois ou projets de loi défavorables

  • - catastrophes naturelles affectant l’entité ou un tiers en relation avec elle

 

(1) Ils concernent essentiellement, directement ou indirectement, la situation financière et la trésorerie et, à travers elle, la solvabilité de l’entreprise.

(2) Certaines situations de nature plus large et pouvant avoir des incidences à échéance plus lointaine peuvent, dans certains cas, être constitutives de faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation :
– existence de désaccords entre actionnaires,
– absence de relève de dirigeants âgés,
– activité s’exerçant dans des marchés en déclin,
– niveau technique de l’encadrement jugé insuffisant,
– départs d’hommes clefs,
– absence ou insuffisance des dépenses de recherche-développement,
 – obsolescence des équipements.

D’autres faits objectifs doivent être appréciés lorsqu’ils relèvent du fonctionnement de la gouvernance et de conflits entre associés ou du cas spécifique des groupes (Note d’information CNCC NI.III précitée, § 2.12.4 et 2.12.5).

Faits relatifs à la gouvernance et aux conflits entre associés

Cas des groupes (1)

  • - débats sur la situation de l’entité, inquiétudes exprimées sur l’évolution de l’activité, tels qu’ils peuvent être observés lors des réunions des différents organes ou consignés dans les procès-verbaux de ces réunions

  • - augmentation de la fréquence des réunions

  • - refus de voter les décisions proposées par le dirigeant

  • - démission d’administrateurs

  • - demande de sortie du capital de certains associés

Lorsqu’il s’agit d’une filiale :

  • - limites de son autonomie

  • - dépendance de l’activité vis-à-vis du groupe en cas de sous-traitance, comme un déséquilibre dans les conditions de l’exploitation ou un manque d’autonomie de la direction de la filiale dans les décisions de gestion

  • - capacité de la société mère à tenir ses engagements financiers vis-à-vis de la filiale

  • - présence de financement intragroupe rendant la situation financière réelle de certaines entités plus opaque et pouvant retarder l’identification de faits de nature à compromettre la continuité d’exploitation

Lorsqu’il s’agit d’une société mère :

  • - cautions octroyées à des filiales susceptibles de rencontrer des difficultés ou faisant face à des difficultés avérées

  • - absorption d’une filiale en difficulté

  • - les conséquences éventuelles de la défaillance d’une entité du groupe située à l’étranger, notamment au regard des dispositions du règlement européen n° 2015/848 du 20 mai 2015 relatif aux procédures d’insolvabilité transfrontalières

(1) Les considérations relatives aux groupes décrites dans ce tableau peuvent également concerner les entités ayant des liens de combinaison entre elles.

… dont la portée peut être atténuée par des facteurs positifs

11. Selon la CNCC, une fois ces critères identifiés et leur importance mesurée, il convient de s’assurer qu’il n’existe pas de facteurs positifs qui viendraient en atténuer la portée, annuler éventuellement leurs effets ou bien simplement les différer (NI.III précitée, version 3, janvier 2020, § 2.14.2) :

- dans le domaine des actifs et passifs ;

- dans le domaine de l’exploitation, à condition que cela ne soit pas dommageable pour l’entreprise ;

- dans d’autres domaines.

Les exemples ci-après sont donnés par la CNCC :

Domaine des actifs et des passifs

Domaine de l’exploitation

Autres domaines

  • - cession d’actifs non nécessaires à l’exploitation

  • - possibilité de différer le renouvellement des stocks ou des immobilisations

  • - recours au crédit-bail, à la location ou à la cession à bail

  • - utilisation de lignes de crédit ou de facultés d’emprunt exceptionnelles, recours à l’affacturage

  • - possibilité de négocier un nouvel échéancier des dettes

  • - renouvellement des emprunts à leur échéance

  • - réduction ou suppression des distributions de dividendes

  • - augmentation du capital, le cas échéant incluant l’entrée de nouveaux associés

Possibilité, par exemple, de :

  • - supprimer les secteurs d’exploitation à l’origine des capacités d’autofinancement négatives

  • - ajourner les dépenses d’entretien ou de recherche-développement

  • - réduire les frais généraux et les stocks

  • - augmenter les dividendes de filiales et les revenus autres que ceux issus des activités courantes

  • - obtenir des subventions d’exploitation

Aptitude, par exemple à :

  • - remplacer rapidement les clients et fournisseurs défaillants

  • - trouver de nouveaux marchés ou produits

  • - remplacer, le cas échéant, les personnes occupant des postes clés

 

 

Le soutien du groupe auquel une société appartient est en principe un facteur positif. Lorsqu’une société survit grâce au soutien du groupe auquel elle appartient, il y a lieu de s’assurer de la permanence de ce soutien. Si cette assurance est obtenue, la continuité de l’exploitation n’est pas compromise (Revue Éco. et compt., n° 152, p. 28).
Une question importante, pour ces filiales, est donc celle de savoir dans quelle mesure elles pourront compter sur le soutien du groupe. Une lettre d’affirmation en ce sens peut ne pas être suffisante pour assurer la continuité d’exploitation de la filiale, si le groupe est lui-même très impacté et en difficulté.

La prise en compte de ces éléments dépend de la situation d’ensemble de l’entité

12. Le degré de prise en compte de ces éléments dépend des faits dans chacun des cas.

La CNCC souligne toutefois que ces faits sont généralement constitutifs d’un ensemble d’événements convergents suffisamment préoccupants compte tenu du contexte particulier de l’entité (Note d’information CNCC NI.III précitée, version 3, janvier 2020, § 2.14.2).

Pour rappel, IAS 1.26 précise :

- lorsque l'entité a un passé d'activités bénéficiaires et d'accès sans difficulté au financement, elle peut en conclure qu'une base de continuité d'exploitation est appropriée sans procéder à une analyse détaillée ;

- dans d'autres cas, la direction devra peut-être considérer toute une série de facteurs relatifs à la rentabilité actuelle et attendue, aux calendriers de remboursement de ses dettes et aux sources potentielles de remplacement de son financement avant de se convaincre du caractère approprié de la base de continuité d'exploitation.

Au cas particulier de la crise sanitaire actuelle, il semble toutefois difficile de dire qu’une entreprise, du fait de son passé bénéficiaire et de son accès au crédit dans un contexte « normal », ne devrait pas mener une analyse plus détaillée étant donné les conséquences annoncées de cette crise à long terme.Tout l’enjeu, dans cette période inédite et d’une durée indéfinie, va résider :- dans l’appréciation de ces différents faits dans un contexte totalement incertain,- avec pour inconnues majeures la durée de la crise, son ampleur, la nature et le timing des aides gouvernementales attendues.

Quelles sont les conséquences comptables lorsque la continuité d’exploitation est assurée ?

13. Lorsque l’entreprise apprécie sa situation à la date d’arrêté des comptes, elle peut être amenée à estimer qu’il n’existe aucune incertitude significative sur la continuité d’exploitation, malgré l’existence de difficultés.

Dans le contexte international actuel de crise sanitaire, de nombreuses entreprises peuvent être amenées à conclure que leur continuité d’exploitation est assurée à la date d‘arrêté des comptes, malgré les difficultés auxquelles elles doivent faire face depuis janvier 2020 (date d’annonce de l’état d’urgence sanitaire par l’OMS).

Permanence des méthodes

14. Dans ce cas, la convention de continuité d’exploitation n’est pas abandonnée et les comptes continuent à être établis dans la permanence des méthodes, selon les principes énoncés par les règles comptables applicables (PCG pour les entreprises industrielles et commerciales).

Une information à donner en annexe en cas de jugements importants de la direction

15. Selon la CNCC, les jugements exercés par la direction qui l’ont conduit à conclure à l’absence d’incertitudes significatives sur la capacité de l’entité à poursuivre son exploitation doivent être également indiqués dans l’annexe des comptes (Communiqué CNCC/CSOEC du 25-3-2020 précité, Q1.4).

À noter : La CNCC invite les entreprises à la vigilance sur les jugements relatifs aux hypothèses formulées pour l’avenir. En effet, ils présentent un risque important d’entraîner un ajustement significatif de la valeur comptable des actifs et des passifs au cours des périodes comptables suivantes.

Traitement des événements post-clôture

16. Les jugements exercés par la direction à la date d’arrêté des comptes peuvent porter sur des événements postérieurs à la clôture, notamment lorsque des difficultés apparaissent entre la date de clôture et celle d’arrêté des comptes.

Pour rappel, les incidences diffèrent selon que l'événement postérieur a (ou n'a pas) un lien direct prépondérant avec une situation existant à la clôture de l'exercice :

- s’il existe un lien direct, les comptes annuels doivent être ajustés (PCG art. 513-4) ;

- s’il n’existe aucun lien direct, les comptes n'ont pas à être modifiés, mais une information en annexe est obligatoire (PCG art. 833-2).

Lorsque l'événement remettant en cause la continuité de l'exploitation intervient après la date d'arrêté des comptes, une information est, à notre avis, obligatoire si la société n'a pas été en mesure de procéder à un nouvel arrêté des comptes (voir ci-avant n° 2).

Le cas particulier des événements liés au Covid-19 est développé ci-après n° 17 à 19.

Entreprises clôturant leurs comptes au 31 décembre 2019 (ou antérieurement)

17. L’épidémie de Covid-19 est un événement postérieur au 31 décembre 2019 significatif et non lié à une situation existant à la clôture 2019(voir ci-avant n° 2). En conséquence (PCG art. 833-2/1 d. ; Communiqué ANC précité, § 2 et Communiqué CNCC/CSOEC du 25-3-2020 précité, Q1.3) :

- les comptes ne sont pas ajustés ;

- une information est donnée en annexe au titre des événements postérieurs à la clôture.

Sur l’information à donner en annexe, voire à l'assemblée générale pour les événements survenant après la date d'arrêté des comptes, voir ce FRC inf. 1.

Entreprises clôturant leurs comptes en janvier et février 2020

18. Pour ces clôtures, une analyse doit être conduite (voir n° 2) afin de déterminer si les événements liés au Covid-19 ont pris naissance au cours de l'exercice (auquel cas les comptes sont impactés, comme les clôtures de mars 2020, voir n° 19) ou postérieurement à l'exercice (auquel cas seule une information en annexe doit être donnée, comme les clôtures au 31 décembre 2019, voir n° 17).

Entreprises clôturant leurs comptes depuis le 31 mars 2020

19. Les comptes clos postérieurement à compter de mars 2020 doivent tenir compte de l’épidémie de Covid-19 et de ses conséquences (voir n° 2).

Quelles sont les conséquences comptables lorsque la continuité d’exploitation est incertaine ?

20. Lorsque l’entreprise apprécie sa situation à la date d’arrêté des comptes, elle peut être amenée à estimer que l’utilisation du principe de continuité d’exploitation pour l’établissement des comptes est appropriée, mais qu’il existe une incertitude significative sur la continuité d’exploitation.

Cette incertitude pouvait déjà exister à la clôture, ou peut naître d’événements postérieurs à la clôture.

Pour certaines entreprises, la continuité d’exploitation pouvait déjà être incertaine à la date de clôture et les événements postérieurs liés au Covid-19 ne font qu’accroître les incertitudes existant à la clôture.
Dans de nombreux autres cas, la continuité était assurée à la date de clôture et ce sont les événements nouveaux liés à la crise sanitaire qui la rendent incertaine à la date d’arrêté des comptes :
- soit parce que l’entreprise est d’ores et déjà engagée dans un plan de redressement à cette date (sans que le plan ait déjà été rejeté à la date d’arrêté) ;
- soit parce qu’elle est en état de cessation des paiements à cette date ou qu’elle fait face à des difficultés de nature à la conduire à l’état de cessation des paiements (qu’elles soient ou non engagées dans une procédure judiciaire) ;
- soit parce qu’elle poursuit son activité sous certaines conditions (renouvellement d'une ligne de crédit, du soutien de la société mère…).

Permanence des méthodes

21. Dans tous ces cas, la convention de continuité d’exploitation n’est pas abandonnée et les comptes continuent à être établis dans la permanence des méthodes, selon les principes énoncés par les règles comptables applicables (PCG pour les entreprises industrielles et commerciales).

Une information à donner en annexe au titre des incertitudes sur la continuité de l’exploitation

22. Lorsque, au vu des éléments collectés, les dirigeants estiment que l’utilisation du principe de continuité d’exploitation pour l’établissement des comptes est appropriée mais qu’il existe une incertitude significative sur la continuité d’exploitation, une information pertinente doit être donnée en annexe (Communiqué CNCC/CSOEC du 25-3-2020 précité, Q1.4 ; NI.I, décembre 2018, 3e édition, § 5.22 et NEP 570 § 11 à 15).

Incertitudes significatives liées à la continuité d’exploitation

23. En l’absence de précision dans le Code de commerce ou le PCG, la CNCC renvoie aux normes de la profession :

- selon la NEP 570 précitée (§ 4), une information doit être donnée dans l’annexe sur la nature et les implications de toute incertitude significative (c’est-à-dire dont l'ampleur de son incidence potentielle et sa probabilité de réalisation sont telles que l’absence d’information ne permettrait pas d’assurer la régularité, la sincérité et l'image fidèle des comptes) ;

- selon la Note d’information NI.I précitée (§ 5.22), l’annexe doit mentionner qu’en conséquence de ces incertitudes, l’entité pourrait ne pas être en mesure de réaliser ses actifs et de régler ses dettes dans le cadre normal de son activité

Pour rappel, une Note CNCC (« Conséquences de la crise pour l'audit des comptes 2008 », 16-09-2009) précise également, dans le cadre des informations à donner en période de crise, que cette information diffère selon que :

- l’entité identifie des incertitudes « avérées » susceptibles de jeter un doute important sur la capacité de l'entité à poursuivre son activité : dans ce cas, ces incertitudes doivent être mentionnées dans l'annexe des comptes

- ou qu’elle fonde son avenir sur des hypothèses structurantes (notamment en termes de refinancement) dont la réalisation s'inscrit dans les aléas de l'environnement global ou sectoriel, dans un contexte caractérisé par un manque de visibilité sur le futur proche et de multiples incertitudes.

Selon la CNCC, ces hypothèses structurantes devraient être rappelées et de préférence dans l'annexe (plutôt que dans le rapport de gestion).

Jugements de la direction

24. Enfin notons que, même si le communiqué de la CNCC et du CSOEC du 25 mars 2020 précité ne reprend pas cette précision, les normes IFRS prévoient, au titre des informations à fournir sur les jugements de la direction, que l’entité doit décrire ceux qui ont conduit l’entité à conclure que l’hypothèse de préparation des états financiers selon le principe de continuité d’exploitation est appropriée malgré les incertitudes existantes (en ce sens, IAS 1.122 à 1.124).

La NI.I précitée (§ 5.22) précise, à ce propos, que le caractère pertinent de l’information donnée dans l’annexe sur la nature et les implications des incertitudes significatives est apprécié par le commissaire aux comptes au regard de :

- la description des principaux faits ou situations à l’origine de cette incertitude significative ;

- la description des plans d’action engagés par la direction de l’entité pour y faire face.

À noter : La CNCC invite les entreprises à la vigilance sur les jugements relatifs aux hypothèses formulées pour l’avenir et sur les autres sources majeures d’incertitudes relatives aux estimations. En effet, ils présentent un risque important d’entraîner un ajustement significatif de la valeur comptable des actifs et des passifs au cours des périodes comptables suivantes.

Traitement des événements post clôture

25. Voir ci-avant n° 16 s.

Quelles sont les conséquences comptables lorsque la continuité d’exploitation est définitivement compromise ?

Si la continuité d’exploitation était déjà compromise à la clôture

26. Tel est le cas si, à la date de clôture :

- la décision judiciaire de liquider avait déjà été prise,

- une décision volontaire de liquider la société avait déjà été formellement prise par les dirigeants ou la mise en liquidation amiable avait déjà commencé.

Dans ces cas, le principe de continuité doit être abandonné et les comptes établis en valeurs liquidatives (Bull. CNCC n° 102, juin 1996, EC 95-88, p. 309).

Remise en cause de plusieurs principes comptables (« conventions »)

27. La convention de la continuité d'exploitation est une condition nécessaire et préalable à la mise en œuvre des autres conventions comptables de base. Elle est à la base des règles d'évaluation figurant dans le Code de commerce.

Dès lors que la continuité d’exploitation est définitivement compromise, l’abandon de la convention de continuité d’exploitation entraîne celui de ces autres conventions ou une application partielle de celles-ci (ancienne NI. n° 8 précitée, § 1.43 A) :

- la permanence des méthodes n'est plus applicable en raison du choix des valeurs liquidatives le plus souvent différentes des coûts historiques et de la prise en compte d'actifs et de passifs latents ou nés directement de la cessation d'activité ;

- il en est de même de l'indépendance des exercices car il convient de mettre immédiatement en évidence l'ensemble des événements futurs considérés inéluctables : licenciements, impôts nés de la liquidation, rupture de contrats… ;

- la règle de prudence doit continuer à être respectée pour l'appréciation des dettes et des charges et pour la détermination des plus-values éventuelles (voir ci-après n° 28).

Avec la disparition de ces principes, la forme des états financiers est fondamentalement différente et ceux-ci ne sont plus comparables.

Valeurs liquidatives

28. L’objectif n’étant plus la continuité d'exploitation mais la liquidation de la société, les comptes annuels sont établis en valeurs liquidatives (en ce sens, Communiqué de l’ANC du 2-4-2020 précité, § 3).

La notion de valeurs liquidatives ne résulte pas d’un texte législatif ou réglementaire. Elle est issue de la doctrine de la CNCC et principalement de l’ancienne note d’information n° 8 « Le commissaire aux comptes et la continuité de l’exploitation » (décembre 1996, § 1.43).

Les précisions de la NI n° 8 n’ont pas été reprises par la version 3 (janvier 2020) de la NI.III précitée. Elles nous semblent toutefois toujours applicables. Notamment, la NI n° 8 :

- définissait la valeur liquidative ainsi (§ 1.43 B) : « Les éléments d'actifs doivent être constatés à leur valeur de réalisation, les passifs étant pris pour leur valeur actuelle compte tenu des dates d'exigibilité souvent modifiées » ;

- proposait un tableau visant à indiquer les valeurs liquidatives à retenir pour chaque poste du bilan (§ 1.43) :

Postes du bilan

Valeurs liquidatives

Frais d'établissement

Constat immédiat en charge

Coûts de développement

Constat immédiat en charge (ou valeur de réalisation s'il existe un acquéreur)

- Autres immobilisations incorporelles

- Immobilisations corporelles

Valeur vénale déterminée par référence à une valeur résultant d'une promesse de vente (1)

Titres de participation

Valeur de réalisation qui peut être inférieure à la valeur d'utilité

Stocks et en-cours

Valeur de réalisation souvent inférieure à la valeur nette comptable Une attention particulière doit être portée aux en-cours dont la valeur peut être nulle s'il n'existe pas de possibilité de les vendre en l'état Des provisions complémentaires sur les contrats de longue durée peuvent être nécessaires

Autres valeurs réalisables

Des dépréciations complémentaires peuvent être nécessaires Comptes de régularisation, à prendre immédiatement en charges de l'exercice

Valeurs mobilières de placement

Cours de bourse ou valeur probable de négociation pour les titres non cotés

Dettes

Le passif devra tenir compte de tous les coûts d'exploitation jusqu'à la cessation d'activité et de toutes les dettes causées par la cessation d'activité (2) Une attention particulière devra être portée aux points suivants : - rupture des contrats en cours entraînant des pénalités (contrats de bail, de crédit-bail, contrats de représentation, d'exclusivité, de travail) - passif fiscal : impôts directs et indirects résultant de la liquidation, prise en compte du passif fiscal différé (notamment sur provisions réglementées) - subvention d'équipement à rapporter au résultat - indemnités de licenciement (3) Envisager le remboursement des sommes attribuées si les clauses liées à l'octroi des subventions n'ont pas été respectées

(1) Amendé par nos soins, suite au Bull. CNCC n° 92 ayant précisé qu’en pratique, les plus-values latentes éventuelles (en l'absence de promesse de vente) ne sont toutefois pas enregistrées.

(2) Il s'agit, par exemple, à notre avis, des honoraires d'avocats, de conseil, etc., engagés au titre de la liquidation.

(3) Ainsi, en cas de licenciement des salariés, une provision pour licenciement est à comptabiliser, même si les conditions de constitution d'une telle provision, définies par le PCG et l'avis CNC n° 2000-01 (voir MC 16925) ne sont pas remplies (par exemple, licenciements non encore annoncés au personnel).

À noter : Pour l’application de ces modalités d’évaluation, la CNCC (Bull.CNCC n° 92, décembre 1993, EC 93-16, p. 538 s.) précise :

- la règle de prudence devant présider aux évaluations, une plus-value ne devrait être constatée que si elle est certaine. Ainsi, en pratique, les plus-values latentes éventuelles (en l'absence de promesse de vente) ne devraient pas être enregistrées ;

- la limitation de la somme des valeurs liquidatives de chaque élément à la valeur liquidative globale peut s'imposer lorsque la liquidation intervient globalement, sauf s'il s'agit d'un élément d'actif dissociable.

Informations en annexe

29. Selon le Code de commerce (C. com. art L 123-14, al. 2), des informations complémentaires sont nécessaires lorsque l’application d’une prescription comptable ne suffit pas pour donner une image fidèle.

Ainsi, à notre avis, lorsque certains principes comptables généraux sont abandonnés en tout ou partie (voir ci-avant n° 27) et que les règles de comptabilisation et d’évaluation du PCG ne peuvent plus s’appliquer, il est nécessaire :

- de faire mention en annexe de l’abandon des principes comptables généraux (en ce sens, PCG art. 833-2/1 a) ;

- d’indiquer les raisons pour lesquelles ils ont été abandonnés (en ce sens, PCG art. 833-2/1 b et Bull. CNCC n° 92, décembre 1993, EC 93-16, p. 538 s.) ;

- de décrire les méthodes d’évaluation retenues, dérogatoires aux règles générales d’établissement et de présentation des comptes annuels du PCG (en ce sens, PCG art. 833-2/1 b) ;

- de préciser les incidences de cet abandon sur la présentation et l’évaluation des comptes annuels (en ce sens, PCG art. 833-2/1 b et Bull. CNCC n° 92, décembre 1993, EC 93-16, p. 538 s.).

Conséquences chez la mère

30. Si la continuité d’exploitation d’une participation est totalement compromise, la valeur de la participation doit être appréciée sur une base liquidative. Les pertes attendues à ce titre sont donc à provisionner.

Si la continuité d’exploitation est compromise du fait d’un événement post clôture

31. Pour rappel, les incidences diffèrent selon que l'événement postérieur mettant fin à la continuité de l'exploitation a (ou n'a pas) un lien direct prépondérant avec une situation existant à la clôture de l'exercice (voir ci-avant n° 2).

En pratique, il peut être difficile d’estimer s’il existe un lien direct ou non avec une situation existant à la clôture. Notamment, ce lien direct existe-t-il nécessairement lorsque la continuité d’exploitation était déjà incertaine à la clôture, car dépendante de la réalisation de certaines conditions (comme, par exemple, le renouvellement d'une ligne de crédit, le soutien de la société mère ou la cession d’une branche d’activité convenu dans le plan de redressement) ?

À notre avis, non. Par exemple :

- une société en redressement peut poursuivre son plan de redressement dans les conditions prévues par le tribunal à la clôture, puis voir sa situation se dégrader après la clôture jusqu’à la liquidation prononcée à la clôture. Dans ce cas, à notre avis, l’événement postclôture l’ayant conduit à la liquidation est sans lien direct avec la situation existant à la clôture ;

- une autre société en redressement peut, dès la date de clôture, avoir connaissance de faits de nature à compromettre l’issue du plan de redressement en cours. Dans ce cas, à notre avis, l’événement postclôture l’ayant conduit à la liquidation a un lien direct avec la situation existant à la clôture.

Le cas particulier des événements liés au Covid-19 est développé ci-après.

Entreprises clôturant leurs comptes au 31 décembre 2019 (ou antérieurement)

32. Au cas particulier de l’épidémie de Covid-19, l’ANC et la CNCC ont expressément indiqué que l’épidémie de Covid-19 est un événement postclôture qui n’est pas lié à une situation existant au 31 décembre 2019 (voir ci-avant n° 2). Il n’y a donc, à notre avis, pas de différence à faire entre une entreprise qui aurait estimé que sa continuité est assurée à la clôture et une autre qui l’aurait estimée incertaine. Dans les deux cas, si la continuité d’exploitation est compromise à la date d’arrêté des comptes en raison de l’événement Covid-19, il ne peut y avoir de lien direct avec une situation existant à la clôture.

En conséquence (PCG art. 833-2/1 d ; Communiqué de l’ANC du 2-4-2020 précitée, § 3 et Communiqué CNCC/CSOEC du 25-3-2020 précité, Q1.5) :

- les comptes ne sont pas ajustés ;

- une information est donnée en annexe.

Selon la CNCC, en l’absence de précision du PCG, l’information en annexe pourrait présenter :

- la nature de l’événement ;

- ainsi que, par exemple, des comptes simplifiés établis selon en valeurs liquidatives (voir ci-avant n° 28).

Sur l’information à donner dans le rapport de gestion, voire à l’assemblée générale pour les événements survenant après la date d’arrêté des comptes, voir n° 16.

À noter : Les normes IFRS, au contraire, ont une règle spécifique dérogatoire au principe général des non « adjusting events », en l’absence de lien direct avec une situation existant à la clôture de l'exercice. Ainsi, même si le Covid-19 n’a aucun lien direct avec la situation existant à la clôture de l'exercice, les sociétés doivent, dans le cadre de leurs arrêtés comptables 2019, ajuster leurs comptes lorsque le principe de continuité de l’exploitation est compromis à la date d’arrêté des comptes. 

Entreprises clôturant leurs comptes en janvier et février 2020

33. Pour ces clôtures, une analyse doit être conduite (voir n° 2) afin de déterminer si les événements liés au Covid-19 ont pris naissance au cours de l’exercice, comme pour les clôtures de mars 2020 (auquel cas, voir n° 34), ou postérieurement à l’exercice, comme pour les clôtures au 31 décembre 2019 (auquel cas, voir n° 32).

Entreprises clôturant leurs comptes depuis le 31 mars 2020

34. Les comptes clos postérieurement à compter de mars 2020 doivent tenir compte de l’épidémie de Covid-19 et de ses conséquences (voir n° 2). Ils doivent donc être ajustés (voir n° 26 s.).

Comment apprécier l’état de cessation des paiements à la date d’arrêté des comptes ?

35. Les développements suivants font le point sur l’appréciation d’une situation de cessation des paiements.

La cessation des paiements est reconnue lorsque le débiteur est dans l'incapacité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

L’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises précise que « l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 » (art. 1er, I, 1°). La fixation légale de la date de cessation des paiements permet aux entreprises de bénéficier des mesures ou procédures préventives telles que la procédure de conciliation ou la procédure de sauvegarde, même si elles sont en état de cessation des paiements après le 12 mars. Cette appréciation de la situation des entreprises s’appliquera jusqu’à l’expiration d’un délai de trois mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Nous reprenons ci-après les précisions utiles issues de :

- la définition de l’état de cessation des paiements par le Code de commerce, dans le cadre de l’application de la procédure de redressement judiciaire (C. com. L 631-1) ;

- la jurisprudence applicable dans ce cas (voir également Mémento Sociétés commerciales n° 90910 à 90926 et Mémento Droit commercial n° 62440) ;

- les éléments de doctrine et de pratique pour l’établissement de la situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible devant être établie dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises, prévue par le Code de commerce (Code de commerce, loi 84-148 du 1-3-1984 et décret 85-295 du 1-3-1985).

Actif disponible

36. Le débiteur n'est pas considéré en état de cessation des paiements s'il établit que les réserves de crédit dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible dès lors qu'elles ne constituent pas un financement anormal ayant masqué la réalité de son insuffisance d'actif (C. com. art. L 631-1). Doivent ainsi être prises en compte :

- les avances en compte courant (ni bloquées ni réclamées) consenties par les associés (Cass. civ. 8-4-2009 n° 08-10.866 et Cass. com. 12-5-2009 n° 08-13.741) ou par des sociétés du groupe (Cass. com. 16-11-2010 n° 09-71.278) ;

- les liquidités apportées par le dirigeant (Cass. com. 24-3-2004 n° 579 FS-PB) ou par un associé, mises sous séquestre et libérables sous condition (Cass. com. 29-11-2016 n° 15-19.474 F-D).

Les créances à recouvrer ne constituent pas des actifs disponibles, sauf circonstances exceptionnelles (Cass. com. 7-2-2012 n° 11-11.347 précité), par exemple, lorsqu'elles sont aisément et rapidement recouvrables (CA Versailles 30-4-2014 n° 13/04298 : RJDA 10/14 n° 784 ; CA Paris 28-2-2017 n° 16/04975 : RJDA 7/17 n° 474 écartant en conséquence des créances intragroupes ou fiscales).

La doctrine diverge sur les créances à retenir dans l’état de l’actif disponible devant être établi dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises. Par prudence, dans l’état actuel de la situation, nous recommandons de retenir la position de la CNCC, basée sur une approche juridique, qui est de ne tenir compte que de l'existant en caisse et en banque, ainsi que du réalisable susceptible d'une conversion immédiate en disponible (Bull. CNCC n° 59, septembre 1985, EJ 85-108, p. 390 s.).

Les stocks et en-cours en sont en revanche exclus (C. com. art. R 232-5).

Passif exigible

37. Il semble nécessaire, du point de vue juridique, de donner le même sens aux définitions de l'actif et du passif contenues dans ces deux textes et il convient d'entendre « passif exigible » au sens de « passif échu » (C. com. art. L 631-1).

Le passif exigible correspond donc à toute dette certaine, liquide et exigible qui n'a pas donné lieu de la part du créancier à un moratoire ou à des facilités de paiement (C. com. art. L 631-1 ; Cass. com. 27-2-2007 n° 06-10.170), peu importe que le paiement n'en ait pas été effectivement exigé. Le débiteur ne peut pas se prévaloir de l'inertie de son créancier pour exclure une créance du passif exigible.

À noter : Entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) Compte tenu de l'existence du patrimoine d'affectation (voir MC 60395), les dettes personnelles de l'entrepreneur ne doivent pas être prises en compte dans le passif du patrimoine affecté, de même que les biens du patrimoine non affecté ne doivent pas être pris en compte dans l'actif du patrimoine affecté pour apprécier l'état de cessation des paiements (C. com. art. L 680-2). Il se peut donc que le patrimoine affecté soit en cessation des paiements, alors même que l'actif du patrimoine non affecté serait suffisant pour rembourser les créanciers professionnels de l'entrepreneur.

Filiale de groupe

38. La cessation des paiements d'une société faisant partie d'un groupe est appréciée :

- au regard des seuls actifs et passifs de celle-ci (Cass. com. 8-6-1999 n° 95-14.723 et 3-7-2012 n° 11-18.026 ; CA Paris 28-2-2017 n° 16/04921, 16/04975, 16/04971 et 16/04957), sans tenir compte des capacités financières du groupe ;

- sauf engagement de la société mère envers la société ou constatation d'une confusion de patrimoines justifiant l'ouverture d'une procédure unique (Cass. com. 7-1-2003 n° 00-15.316 FS-P) et, à notre avis, dès lors que le groupe est en capacité d’aider sa filiale (voir ci-avant n° 11).

Pour en savoir plus sur les conséquences du Coronavirus pour les entreprises et leurs salariés, les questions qu'elles posent et les réponses à y apporter : retrouvez notre Dossier spécial Coronavirus  (Covid-19) alimenté en temps réel.



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