Si le retour dans les entreprises des salariés actuellement en activité partielle ou en télétravail doit se faire de manière très progressive, la fin du confinement va contraindre l’employeur à prendre de nombreuses décisions qui toucheront les conditions d’emploi et de travail ainsi que de santé et de sécurité des salariés. Ces matières relevant de la compétence du comité social et économique, celui-ci doit, préalablement, être consulté. Le Gouvernement a prévu plusieurs dispositions pour adapter des procédures consultatives qui n’ont pas été conçues pour fonctionner dans l’urgence.
On peut aussi penser que l’employeur va parfois devoir, après les retours de salariés et dans un délai rapide, ajuster les mesures prises ou revenir sur elles et que des procédures consultatives accélérées vont être là aussi nécessaires. Sans compter les réunions qui vont pouvoir être convoquées à la demande de la majorité des membres du CSE (C. trav. art. L 2315-28, al. 3).
L’ordonnance 2020-460 du 22 avril portant diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de Covid-19 du 22 avril dernier, qui avait posé un premier jalon en la matière, est ainsi complétée par une autre ordonnance 2020-507 du 2 mai, adaptant temporairement les délais applicables pour la consultation et l'information du CSE afin de faire face à cette épidémie, ainsi que par deux décrets d’application 2020-508 et 2020-509 du même jour.
À noter : Ces mesures vont dans le même sens que celles facilitant la tenue des réunions du CSE par visio-conférence, conférence audio ou messagerie instantanée (voir La Quotidienne du 20 avril 2020) : « fluidifier » le fonctionnement des institutions représentatives du personnel en temps de crise.
Une transmission accélérée de l’ordre du jour des réunions…
On attendait un décret définissant les délais dérogatoires de consultation et d’information du CSE sur les décisions de l’employeur visant à faire face aux conséquences de l’épidémie et le déroulement des expertises réalisées à la demande du CSE consulté ou informé dans ce cadre. C’est en effet ce qu’avait prévu l’article 9 de l’ordonnance 2020-460 du 22 avril dernier. On a, en plus de ce décret (voir ci-dessous), une autre ordonnance
L’ordonnance 2020-507 du 2 mai s’attaque en effet à une « séquence temporelle » de la procédure consultative que l’ordonnance 2020-460 n’avait pas envisagée, les délais de communication de l’ordre du jour du CSE. Elle la modifie en ce sens.
Des délais raccourcis
Les délais de transmission de l’ordre du jour des réunions par le président aux membres du comité, lorsque celui-ci est consulté sur les décisions de l'employeur visant à faire face aux conséquences de l’épidémie (voir n° 5 ci-dessous), sont ainsi ramenés (Ord. 2020-507, art. 1er, 1° ; ord. 2020-460 modifiée art. 9-I) :
- pour le CSE à 2 jours au moins avant la réunion (au lieu de 3) ;
- pour le CSE central d’entreprise à 3 jours au moins avant la réunion (au lieu de 8).
Ces délais, exprimés en jours calendaires dérogent tant aux délais conventionnels qu’aux délais supplétifs prévus par les articles L 2315-30 (CSE) et L 2316-17 (CSE central d’entreprise) du Code du travail.
À noter : En application de l’article L 2315-30 du Code du travail, l’ordre du jour du CSE devra, dans les mêmes délais, être communiqué à l’inspecteur du travail ainsi qu’à l’agent des services de prévention des organismes de sécurité sociale. Le médecin du travail devra aussi être averti, puisqu'il assiste, rappelons-le, en application de l’article L 2314-3 du Code du travail, aux réunions du CSE sur les points de l’ordre du jour relatifs aux questions relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail.
Un champ d’application limité
Sont concernées les procédures d’information ou de consultation portant sur les décisions de l'employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de Covid-19 (Ord. 2020-507, art. 1er, 1° ; ord. 2020-460 modifiée art. 9-I).
Les délais raccourcis de transmission de l’ordre du jour ne sont toutefois pas applicables aux informations et consultations menées dans le cadre de l'une ou l'autre des procédures suivantes (Ord. 2020-507, art. 1er, 3° ; ord. 2020-460 modifiée art. 9-III) :
1° licenciement de 10 salariés ou plus dans une même période de 30 jours dans les conditions prévues à la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du Code du travail ;
2° accord de performance collective.
À notre avis : Aux termes du rapport au Président de la République sur l’ordonnance 2020-507, ne sont pas concernées par les délais raccourcis de communication de l’ordre du jour les décisions de l’employeur relatives aux PSE, c’est à dire prises dans les entreprises d’au moins 50 salariés. En effet, même si les procédures de licenciement d’au moins 10 personnes menées dans des entreprises de moins de 50 salariés sont couvertes par la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du Code du travail, les dispositions des ordonnances 2020-460 (art. 9) et 2020-507 dérogent à des articles figurant dans la partie du Code du travail consacrée aux seules entreprises d’au moins 50 salariés.
Quant à la mention des accords de performance collective, elle est un peu surprenante dans la mesure où, en tout état de cause, l’intervention du CSE n’est prévue ni préalablement à la négociation des accords ni pour leur suivi. L’ordonnance a-t-elle entendu viser des cas dans lesquels l’intervention du CSE aurait été prévue par la voie conventionnelle ?
Une période d’application bien définie
Les dispositions ci-dessus s'appliquent aux délais ayant commencé à courir depuis le 3 mai 2020 et jusqu’au 23 août 2020 (Ord. 2020-507 art. 1er, 5° ; ord. 2020-460 modifiée art. 9-V ; décret 2020-509 art. 1er).
… et des délais raccourcis de consultation et de déroulement des expertises
L'article 9 de l’ordonnance 2020-460 du 22 avril 2020 a confié à un décret en Conseil d’État le soin de fixer des délais relatifs à la consultation et à l’information du CSE sur les décisions de l’employeur visant à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et au déroulement des expertises réalisées à la demande du CSE consulté ou informé dans ce cadre.
C’est chose faite avec le décret 2020-508 du 2 mai 2020.
Consultation du CSE
Ainsi, par dérogation aux dispositions de l’article R 2312-6 du Code du travail ou aux stipulations conventionnelles sur le sujet en vigueur dans l’entreprise, les délais de consultation du CSE et du CSE central sur les décisions susvisées sont les suivants (Décret 2020-508 art. 1er, 1°).
Objet du délai | Délai dérogatoire | Délai réglementaire de droit commun |
Délai dans lequel le CSE ou le CSE central est réputé avoir été consulté ou avoir rendu un avis négatif sans intervention d’un expert. | 8 jours | 1 mois (C. trav. art. R 2312-6, I-al. 1er) (1) |
Délai dans lequel le CSE, ou le CSE central s’il est seul consulté) est réputé avoir été consulté ou avoir rendu un avis négatif en cas d’intervention d’un expert. | 12 jours pour le CSE central | 2 mois (C. trav. art. R 2312-6, I-al. 2) (1) |
11 jours pour les autres comités | 2 mois (C. trav. art. R 2312-6, I-al. 2) | |
Délai dans lequel le CSE central est réputé avoir été consulté ou avoir rendu un avis négatif en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises dans le cadre de consultations se déroulant à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement. | 12 jours | 3 mois (C. trav. art. R 2312-6, I-al. 3 et II) |
Délai minimal entre la transmission de l’avis de chaque CSE d’établissement au CSE central et la date à laquelle il est censé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. | 1 jour | 7 jours (C. trav. art. R 2312-6, II) |
(1) Le décret cite aussi, en tant que références du Code du travail auxquelles il est dérogé pour les deux premiers délais de consultation du CSE ou du CSE central (absence d’expert et intervention d’un expert), l’article R 2312-6, II, première phrase, du Code du travail. Il s’agit à notre sens d’une erreur. |
Déroulement des expertises
S’agissant du déroulement des expertises, les délais dérogatoires aux délais réglementaires ou conventionnels sont les suivants (Décret 2020-508 art. 1er, 2°).
Objet du délai | Délai dérogatoire | Délai réglementaire de droit commun | |
Délai imparti à l’expert à compter de sa désignation pour demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires. | 24 heures | 3 jours (C. trav. art. R 2315-45) | |
Délai imparti à l’employeur pour lui répondre. | 24 heures | 5 jours (C. trav. art. R 2315-45) | |
Délai imparti à l'expert pour notifier à l'employeur le coût prévisionnel, l'étendue et la durée d'expertise. | 48 heures à compter de sa désignation, ou, en cas de demande d’informations complémentaires, 24 heures à compter de la réponse de l’employeur | 10 jours à compter de sa désignation (C. trav. art. R 2315-46) | |
Délai dont dispose l’employeur pour saisir le juge afin de contester l’expertise (nécessité de celle-ci, choix de l’expert, coût prévisionnel étendue ou durée de l’expertise, coût final de celle-ci) (1). | 48 heures | 10 jours (C. trav. art. R 2315-49) | |
Délai minimal entre la remise du rapport par l’expert et l’expiration des délais de consultation du CSE. | 24 heures | 15 jours (C. trav. art. R 2315-47) | |
(1) Les points de départ de ces délais, différents selon l’objet de la contestation, sont fixés par l’article L 2315-86 du Code du travail. |
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À notre avis : On peut s’interroger sur le type d’expertise envisagé par le décret 2020-508. Celles diligentées dans le cadre des licenciements avec PSE ou des consultations récurrentes ne sont pas concernées : voir ci-dessous. À notre sens, il devrait s’agir de celles prévues par l’article L 2315-94 du Code du travail, qui autorise le CSE à faire appel à un expert agréé ou habilité en cas soit de risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail ou par une maladie professionnelle ou à caractère professionnel constaté dans l’établissement, soit de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
Un champ d’application limité
Sont concernées les mêmes procédures que celles concernées par les transmissions « raccourcies » d'ordre du jour, à savoir les informations et consultations portant sur les décisions de l'employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences de la propagation de l'épidémie de Covid-19, à l’exclusion de celles menées dans le cadre des licenciements avec PSE ou d’un accord de performance collective (Ord. 2020-507 art. 1er, 3° ; ord. 2020-460 modifiée art. 9-III ; décret 2020-509 art. 2).
Sont également exclues les informations et consultations récurrentes mentionnées à l'article L 2312-17 du Code du travail, c'est-à-dire celles sur les orientations stratégiques de l'entreprise, sur sa situation économique et financière et sur sa politique sociale, les conditions de travail et l'emploi (Décret 2020-509 art. 2).
Une période d’application limitée, l’employeur pouvant recommencer une procédure en cours
Les dispositions relatives à la consultation et aux expertises du CSE s'appliquent aux délais ayant commencé à courir depuis le 3 mai 2020 et jusqu’au 23 août 2020 (Ord. 2020-507 art. 1er, 5° ; ord. 2020-460 modifiée art. 9-V ; décret 2020-508 art. 3).
Toutefois lorsque les délais ayant commencé à courir avant le 3 mai ne sont pas encore échus, l'employeur a la faculté d'interrompre la procédure en cours et d'engager, à compter de cette même date, une nouvelle procédure de consultation conformément aux règles prévues par la présente ordonnance (Ord. 2020-507 art. 1er, 5° ; ord. 2020-460 modifiée art. 9-V).
Pascale PEREZ DE ARCE
Pour en savoir plus sur les règles de consultation du CSE : voir Mémento CSE autres représentants du personnel nos 800 s.
Pour en savoir plus sur les conséquences du Coronavirus pour les entreprises et leurs salariés, les questions qu'elles posent et les réponses à y apporter : retrouvez notre Dossier spécial Coronavirus (Covid-19) alimenté en temps réel.
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