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Créance entre époux née avant le mariage et prise en compte dans les opérations de liquidation

La liquidation des intérêts pécuniaires ordonnée par une décision de divorce englobe tous les rapports pécuniaires entre les époux, y compris les créances nées avant le mariage, charge à chacun de les faire valoir dans ce cadre et pas après, sous peine d'irrecevabilité.

Cass. 1e civ. 26-5-2021 no 19-23.723 FS-P


Par Florence GALL-KIESMANN
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©iStock

Des concubins se marient sans contrat préalable en 1991. Un jugement prononce finalement leur divorce en 2000 et ordonne le partage de leurs intérêts patrimoniaux. En 2008, le notaire dresse un procès-verbal de difficultés. Le juge commis constate la non-conciliation des parties et les renvoie devant le tribunal qui, par un jugement de 2010, statue sur ces désaccords. Les parties finissent par signer l'acte de partage. Cinq ans après, l'ex-mari assigne son ex-femme afin d'obtenir une indemnité sur le fondement de l'enrichissement sans cause pour avoir financé avant le mariage la maison dont celle-ci est seule propriétaire.

La cour d'appel déclare sa demande irrecevable, le mari ayant agi postérieurement au jugement ayant statué sur les désaccords persistants et à l'acte de partage. En effet, en prononçant le divorce, le juge aux affaires familiales ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et il statue, s'il y a lieu, sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle (C. civ. art. 264-1 dans sa rédaction antérieure à la loi 2004-439 du 26-5-2004). La liquidation à laquelle il est procédé à la suite du divorce englobe tous les rapports pécuniaires existant entre les époux, celui qui se prétend créancier de son conjoint devant faire valoir sa créance lors de l'établissement des opérations de comptes et liquidation.

Confirmation de la Cour de cassation. Lorsque la liquidation des intérêts pécuniaires d'époux a été ordonnée par une décision de divorce passée en force de chose jugée, la liquidation à laquelle il est procédé englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, y compris les créances nées avant le mariage. Il appartient dès lors à l'époux qui se prétend créancier de l'autre de faire valoir sa créance contre son conjoint lors de l'établissement des comptes s'y rapportant.

A noter :

Durant la communauté, les époux peuvent devenir créanciers l'un de l'autre pour diverses raisons : faits générateurs de responsabilité civile, paiement par le patrimoine propre d'un époux d'une dette incombant à titre définitif à son conjoint, etc. Les créances sont exigibles dès avant la dissolution de la communauté. Chaque créance ou dette peut donc être réglée à tout moment durant le régime sans attendre sa liquidation, même si cela reste rare en pratique. Une fois la liquidation du régime matrimonial ordonnée par une décision passée en force de chose jugée (jugement de divorce), cette liquidation doit alors englober tous les rapports pécuniaires entre les époux (C. civ. art. 267, al. 2 ; art. 264-1 ancien), y compris les créances entre eux (Cass. 1e civ. 11-12-2001 no 99-21.851 F-D : Defrénois 2002 p. 37508 no 21 obs. G. Champenois). Le juge doit donc intégrer aux opérations de liquidation la demande de recouvrement d'une créance formée par un époux à l'encontre de l'autre. Le présent arrêt précise que les créances nées avant le mariage sont aussi concernées (dans le même sens, Cass. 1e civ. 30-1-2019 no 18-14.150 F-PB : BPAT 2/19 inf. 46). Ainsi, si les époux peuvent faire valoir leurs créances jusqu'au prononcé définitif du divorce dans le cadre d'une instance autonome (Cass. 1e civ. 22-5-2007 no 05-12.017 FS-PB : AJ Famille 2007 p. 360 obs. P. Hilt), il en va différemment après cette date : toute action en recouvrement intentée dans le cadre d'une action distincte des opérations liquidatives du régime matrimonial est irrecevable (Cass. 1e civ. 23-11-2016 no 15-27.497 F-PB : Sol. Not. 2/17 inf. 31, à propos d'époux séparés de biens mais transposable aux régimes de communauté). C'est ce que confirme la décision commentée à propos des créances nées avant le mariage.

L'arrêt rapporté donne aussi l'occasion de rappeler certaines règles du partage judiciaire. En cas de désaccord entre les copartageants, le notaire désigné par le tribunal établit un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties et le projet d'état liquidatif (CPC art. 1366) ; il le transmet au juge commis. Celui-ci, éventuellement après audition des intéressés et du notaire et tentative de conciliation, fait un rapport au tribunal sur les difficultés subsistantes (CPC art. 1373). Ce rapport est essentiel car il fixe le litige. En effet, toute demande devant le tribunal distincte de celles dont le juge commis a fait rapport est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé qu'après ce rapport (CPC art. 1374 ; Cass. 1e civ. 7-12-2016 no 15-27.576 FS-PB : Sol. Not. 2/17 inf. 33 ; Cass. 1e civ. 1-6-2017 no 16-19.990 F-PB : Sol. Not. 8-9/17 inf. 204). Dans son pourvoi, l'ex-mari reprochait aux juges d'appel d'avoir rejeté sa demande sans avoir même vérifié le respect de cette procédure et l'application du principe de concentration des demandes (CPC art. 1373 et 1374). Ces motifs n'ont pas été retenus par les Hauts Magistrats.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne