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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Patrimoine/ Successions et donations

Le curateur d’une succession vacante peut demander la mainlevée d’une inscription indûment prise

Les règles qui organisent le paiement des créanciers de la succession vacante n’excluent pas l’application du principe de l’arrêt du cours des inscriptions hypothécaires. La mainlevée d’une inscription faite après le décès peut être demandée par le curateur de la succession.

Cass. 3e civ. 5-1-2022 n° 20-21.359 FS-B


Par Muriel SUQUET-COZIC
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Un homme décède le 11 mars 2008. Sa succession est déclarée vacante et le service des domaines désigné curateur par ordonnance du 7 janvier 2011. En 2013, deux personnes, créancières du défunt en vertu de quatre jugements de condamnation, font inscrire des hypothèques judiciaires sur un immeuble de la succession. Le service des domaines assigne alors les créanciers en mainlevée de ces inscriptions. Les juges du fond accueillent cette demande et ordonnent la mainlevée. Les créanciers se pourvoient en cassation en arguant deux choses. D’une part, la vacance de la succession n’entraîne pas la suspension des poursuites individuelles, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de faire application de l’arrêt du cours des inscriptions. D’autre part, la règle de l’arrêt du cours des inscriptions indique que l’inscription néanmoins prise est inefficace mais elle n’en prévoit ni la nullité ni la mainlevée.

Le pourvoi est rejeté. Il résulte de la combinaison de la règle de l’arrêt du cours des inscriptions et des règles qui organisent le paiement des créanciers d’une succession vacante (C. civ. art. 810-4 et 810-5) que ces dernières n’excluent pas l’application du principe de l’arrêt du cours des inscriptions hypothécaires et que la mainlevée d’une inscription hypothécaire faite postérieurement au décès peut être demandée par le curateur d’une succession déclarée vacante.

A noter :

Pour Muriel Suquet-Cozic, diplômée notaire, auteure du Dossier pratique Publicité foncière, l’arrêt apporte des précisions sur trois points.

1. Il y a quatre événements qui interdisent aux créanciers de prendre une inscription hypothécaire pour l’avenir : la publication de la mutation de l’immeuble, le décès du propriétaire de l’immeuble lorsque la succession est acceptée à concurrence de l’actif net ou déclarée vacante, la saisie de l’immeuble et l’ouverture d’une procédure collective (C. civ. art. 2422 dans sa rédaction issue de l’ord. 2021-1192 du 15-9-2021, anciennement art. 2427).

Au cas soumis, il ne fait aucun doute que la règle de l’arrêt du cours des inscriptions devait recevoir application. Le fait que la succession soit déclarée vacante n’entraîne effectivement aucune suspension des poursuites individuelles, comme le rappelle le pourvoi. Une saisie par exemple est ainsi possible (Cass. 1e civ. 15-6-1994 n° 92-17.070 : Bull. civ. I n° 208). Mais la règle de l’arrêt du cours des inscriptions est d’une autre nature : elle interdit de prendre de nouvelles inscriptions afin de ne pas placer certains créanciers dans une situation plus favorable que d’autres en présence d’une forme de liquidation collective du patrimoine. La Cour de cassation confirme donc expressément que cette règle doit jouer pleinement en cas de succession vacante.

2. Lorsqu’une inscription a été prise malgré l’arrêt du cours des inscriptions, quelle en est la sanction ? Le pourvoi, d’après la lettre du texte, avançait que celle-ci doit être simplement tenue pour inefficace. La Cour de cassation la tient plutôt pour irrégulière, ce qui en autorise la mainlevée. La solution est audacieuse dans la mesure où les cas d’ouverture à mainlevée judiciaire ne visent pas expressément cette hypothèse (C. civ. art. 2438 dans sa rédaction issue de l’ord. 2021-1192 du 15-9-2021, anciennement art. 2443). Elle est néanmoins pragmatique car elle a la vertu de libérer l’immeuble et d’assainir le fichier immobilier, tout en respectant l’esprit du texte. Elle s’inscrit en cela dans la lignée de la jurisprudence Hedreul, qui prescrit de refuser l’inscription d’hypothèque judiciaire contre le vendeur après publication de la vente (Cass. 3e civ. 12-6-1996 n° 94-18.004 P : RJDA 7/96 n° 966 ; sur cette question voir M. Suquet-Cozic : Publicité foncière, Dossier pratique Francis Lefebvre, 3e éd. 2021, n° 7120).

3. Le curateur à une succession vacante a-t-il le pouvoir de solliciter la mainlevée d’une inscription hypothécaire ? Aucun texte ne le dit expressément. Mais pour la Haute Juridiction, ce pouvoir s’infère de la règle qui fait de lui la seule personne habilitée à payer les créanciers de la succession ainsi qu’à organiser le règlement du passif (C. civ. art. 810-4 et 810-5), dont la mainlevée apparaît comme la conséquence. On ajoutera que le curateur exerce l’ensemble des actes conservatoires et d’administration (C. civ. art. 810-2). A fortiori, il a donc le droit de demander la mainlevée, qui ne requiert même pas le consentement du débiteur (M. Suquet-Cozic : Dossier pratique précité, n° 5120).

La solution paraît donc bonne. En pareille circonstance, l’inscription d’une hypothèque judiciaire est inutile. Il appartient aux créanciers de respecter les règles de règlement collectif du passif dans le cadre de la succession vacante. Ces règles garantissent l’affectation de la totalité de l’actif au règlement des créanciers et tiennent compte du rang de leurs sûretés le cas échéant. Si aucune inscription n’a été prise avant l’ouverture de cette procédure, il est trop tard pour y procéder.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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