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Décès du preneur : attribution du bail rural dans le cadre de la dévolution de droit commun

En cas de demandes multiples de reprise du droit au bail, le juge peut l’attribuer à l’un des ayants droit selon les intérêts en présence et leurs aptitudes à gérer l’exploitation et à s’y maintenir, qu’ils y aient ou non participé dans les 5 ans avant le décès du preneur.

Cass. 3e civ. 9-1-2025 n° 23-13.878 FS B


Par Florence GALL-KIESMANN
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@Getty images

Le preneur d’un bail rural décède, laissant ses deux fils. L’un d'eux saisit le tribunal paritaire des baux ruraux pour être reconnu titulaire du bail au détriment de l’autre. En vain. La cour d’appel relève que, saisie de demandes multiples de reprise, elle doit statuer en considération des intérêts en présence et des aptitudes de chacun à gérer l’exploitation et à s’y maintenir (C. rur. art. L 411-34). Or, en l’espèce, le requérant a mis fin à son activité d’agro-tourisme et renoncé à exploiter les parcelles litigieuses tandis que son frère produisait des attestations démontrant qu’il exploitait lesdites parcelles en lieu et place de son père. Les juges du fond tiennent également compte du fait que le bailleur souhaitait que le bail soit repris par ce dernier. Le frère évincé se pourvoit alors en cassation. Selon lui, c’est seulement si les demandeurs satisfont à la condition de participation à l’exploitation au cours des cinq ans précédant le décès du preneur, telle qu’édictée à l’article L 411-34 précité, que le juge doit se prononcer en fonction des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs. Aucun des deux frères candidats ne remplissant strictement cette condition (ce que relève effectivement la cour d’appel), le bail devait se transmettre selon le droit commun de la dévolution successorale.

Le pourvoi est rejeté. La Cour de cassation rappelle d’abord que :

  • le contrat de louage n’est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur (C. civ. art. 1742) ;

  • en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire de Pacs, de ses ascendants et de ses descendants participant à l’exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq dernières années avant le décès. Toutefois, le droit au bail peut être judiciairement attribué au conjoint, au partenaire ou à l’un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal paritaire se prononce en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et s’y maintenir (C. rur. art. L 411-34, al. 1) ;

  • le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à la connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire de Pacs ou d’ayant droit réunissant les conditions sus-énoncées (C. rur. art. L 411-34, al. 3).

Il en résulte que si, lorsque le preneur décède sans laisser de conjoint, d’ascendant ou de descendant qui participe à l’exploitation ou qui y a participé effectivement au cours des cinq années avant le décès, le droit au bail passe, en l’absence de résiliation de la part du bailleur dans le délai de six mois, à ses héritiers ou à ses légataires universels (Cass. 3e civ. 27-6-1979 n° 78-12.090 : Bull. civ. n° 143), le droit au bail peut être attribué par le tribunal paritaire à l’un des ayants droit en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

A noter :

C’est la première fois, à notre connaissance, que la Cour de cassation précise les règles d’attribution du bail rural, à la suite du décès du preneur, au cas où celles prévues par l’article L 411-34, alinéa 1 ne peuvent pas s’appliquer.

Il était déjà acquis, et elle le confirme, que le bail est transmis conformément aux règles de la dévolution légale de droit commun lorsque les bénéficiaires désignés par l’article précité n’existent pas ou ne remplissent pas les conditions requises (conjoint, partenaire pacsé, ascendants et descendants justifiant d’une participation effective à l’exploitation au cours des cinq dernières années avant le décès). Le bail passe donc aux héritiers du preneur et à ses légataires universels (Cass. 3e civ. 27-6-1979 cité par l’arrêt ; Cass. 3e civ. 24-2-1988 n° 86-15.863 : Bull. civ. III n° 45). Cette dévolution s’effectue sous réserve du droit du bailleur de résilier le contrat, qui, en l’espèce, n’avait pas été mobilisé.

Les Hauts Magistrats précisent ici que, dans le cadre de cette dévolution de droit commun, les critères pour départager des demandes d’attribution concurrentes sont, finalement, ceux de l’article L 411-34, alinéa 1, à savoir la prise en compte des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir.

La solution s’entend puisque, en cas de reprise, quel que soit le fondement juridique de celle-ci, l’enjeu est bien la pérennité de l’exploitation.

Pour être complet, rappelons qu’en tout état de cause, le repreneur doit remplir les conditions au regard du contrôle des structures (Cass. 3e civ. 24-4-2013 n° 12-14.579 FS-PB : D. 2013 p. 2013 note F. Roussel).

Précisons aussi que l’attribution du bail rural telle qu’elle résulte de l’article L 411-34 ou de la présente jurisprudence est bien distincte des attributions préférentielles prévues par le Code civil (art. 831 s.). Celles-ci règlent le sort d’actifs dont il s’agit d’attribuer la propriété. Au contraire, le droit au bail n’entre pas, même en valeur, dans la masse indivise. Les ayants droit désignés par l’article L 411-34 ou l’attributaire désigné par le tribunal le reçoivent sans avoir à verser de soulte à leurs cohéritiers (Cass. 1e civ. 18-3-1980 n° 78-14.517 : D. 1981 p. 17 note A. Breton, RTD civ. 1981 p. 189 obs. J. Patarin).

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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