Les services départementaux de l’aide sociale à l’enfance obtiennent une déclaration judiciaire de délaissement parental d’un enfant de 8 ans. La mère, assistée de son curateur, se pourvoit. Elle reproche aux juges du fond de n’avoir pas recherché si elle n'avait pas, dans la mesure de ses possibilités, entretenu avec son fils des relations notamment par textos. Elle se revendique de l'intérêt supérieur de l'enfant pour écarter le délaissement alors même que les conditions légales seraient remplies.
Rejet du pourvoi : un enfant est considéré comme délaissé lorsque ses parents n’ont pas entretenu avec lui les relations nécessaires à son éducation ou à son développement pendant l’année qui précède l’introduction de la requête, sans que ces derniers en aient été empêchés par quelque cause que ce soit (C. civ. art. 381-1).
Or, la cour d’appel a constaté que :
d’une part, la mère ne s’est pas saisie du droit de visite médiatisée organisé dès la naissance de l’enfant pour l’aider à créer un lien avec lui. Ce dispositif a été mis en échec par son inconstance et son absence de prise en compte des besoins de l'enfant. Elle ne s’est pas plus saisie du droit de correspondance instauré après la suspension de son droit de visite et n’a posé, depuis, aucun acte concret permettant d’attester de ses velléités de reprendre une relation avec son fils ;
d’autre part, les démarches destinées à restaurer le lien avec l’enfant ont maintenu celui-ci dans un état d’insécurité affective et entravé son bon développement, ce qui justifie de le libérer du lien avec ses parents biologiques. Les rencontres ont causé un mal-être chez lui avant et après les visites obligatoires, et des progrès ont été constatés depuis la fin de ces dernières.
Ainsi, la cour d’appel a caractérisé la situation de délaissement en se déterminant selon l’intérêt de l’enfant.
A noter :
La mesure de délaissement parental, qui remplace la déclaration d’abandon judiciaire, est une mesure de protection de l’enfant (C. civ. art. 381-1 issu de lloi 2016-297 du 14-3-2016 ; C. civ. art. 350 ancien). Elle a notamment pour effet de rendre l’enfant adoptable (C. civ. art. 344 depuis le 1-1-2023 ; pour une déclaration de délaissement à l’égard d’un seul des parents : Cass. 1e civ. avis 19-6-2019 nos 19-70.007 et 19-70.008 PBRI).
Sous l’empire de la déclaration judiciaire d’abandon, la Cour de cassation a admis que l’intérêt de l’enfant pouvait empêcher une telle déclaration quand bien même les conditions étaient remplies (Cass. 1e civ. 3-12-2014 n° 13-24.268 FS-PB). Mais les faits d’espèce étaient très différents. Ici, l’intérêt de l’enfant, souverainement apprécié par les juges du fond, confortait la nécessité d’une déclaration de délaissement.
Quant aux troubles psychiatriques de la mère, pouvaient-ils être considérés comme un empêchement de nature à éviter la caractérisation du délaissement ? L’argument n’apparaît qu’en filigrane lorsque la requérante reproche aux juges du fond de n’avoir pas tenu compte de ce qu’elle avait fait « dans la mesure de ses possibilités ». La cour d’appel, validée par la Cour de cassation, n’entre pas dans le débat. Elle relève les défaillances éducatives et surtout l’intérêt de l’enfant de rompre les liens.