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Délai d’appel en matière d’expropriation : plus de caducité en cas de dépôt tardif des pièces

En matière d’expropriation, la communication tardive des pièces par l’appelant ou l’intimé est désormais sanctionnée par leur irrecevabilité lorsque le juge estime qu'elles n'ont pas été communiquées en temps utile et non plus par la caducité de la déclaration d'appel.

Cass. 3e civ. 16-1-2025 n° 23-20.925 FS-B, Établissement public foncier de Nouvelle-Aquitaine


Par Olivier DESUMEUR
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©Getty Images

À peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de 3 mois à compter de la déclaration d'appel. À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de 3 mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant (C. expr. art. R 311-26 al. 1 et 2).

Plusieurs parcelles sont préemptées dans le cadre du droit de préemption urbain (DPU). Faute d’accord avec les propriétaires, le préempteur saisit le juge de l’expropriation pour fixer le prix des biens (C. urb. art. L 213-4 et R 213-11). Insatisfaits du montant retenu, les propriétaires font appel du jugement. Ils transmettent au greffe leurs conclusions dans les 3 mois de la déclaration d’appel, mais ne communiquent leurs pièces qu’après l’expiration de ce délai.

La cour d’appel de Poitiers déclare leur appel caduc au visa de l’article R 311-26 du Code de l’expropriation. Les propriétaires se pourvoient en cassation : en retenant que les appelants devaient déposer ou transmettre à la cour dans le délai imparti toutes les pièces qu'ils entendaient invoquer, « y compris celles déjà déposées en première instance », la cour d'appel a, selon eux, fait application d'une « sanction disproportionnée ».

Ils sont entendus par la Cour de cassation. Les Hauts Magistrats jugent :

  • que la caducité de la déclaration d'appel n'est encourue que lorsque l'appelant n'a pas conclu dans le délai prévu par l'article R 311-26 du Code de l'expropriation ;

  • que le défaut de communication des pièces dans ce délai n'est sanctionné que par leur irrecevabilité lorsque le juge estime qu'elles n'ont pas été communiquées en temps utile.

Les mêmes considérations les conduisent à énoncer que :

  • l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé n'est encourue que lorsque celui-ci n'a pas conclu dans le délai prévu par le même texte ;

  • la communication tardive des pièces n’est sanctionnée par leur irrecevabilité que lorsque le juge estime qu'elles n'ont pas été communiquées en temps utile.

Ces nouvelles règles de procédure, « en ce qu'elles garantissent l'accès au juge », sont d'application immédiate.

A noter :

Revirement de jurisprudence.

Jusqu'à présent, les dispositions de l’article R 311-26 du Code de l'expropriation (anciennement art. R 13-49) faisaient l’objet d’une interprétation très stricte de la part de la Cour de cassation. Les Hauts Magistrats jugeaient que l'appelant qui dépose les pièces produites au soutien de son mémoire après l'expiration du délai prévu pour conclure (3 mois depuis le 1er janvier 2015, 2 mois auparavant) était déchu de son appel (Cass. 3e civ. 29-2-2012 n° 10-27.346 FS-PBI : RDI 2012 p. 267), y compris lorsque les pièces étaient identiques à celles produites en première instance (Cass. 3e civ. 27-4-2017 n° 16-11.078 ; Cass. 3e civ. 15-6-2017 n° 16-50.039 FS-PB : BPIM 5/17 inf. 332).

Pour justifier son revirement de jurisprudence, la Cour de cassation se fonde sur le droit d'accès au juge garanti par l’article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme.

Certes, l'obligation de communication simultanée des conclusions et des pièces dans le délai de 3 mois de la déclaration d'appel poursuit l'objectif d'intérêt général de célérité de la procédure d'appel en matière d'expropriation. Mais la sanction de caducité de la déclaration d'appel qui s'attache à la production tardive de pièces lorsque les conclusions ont été communiquées dans le délai ne s'inscrit pas dans un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Le défaut de communication des pièces dans le délai de 3 mois ne sera pas sanctionné par une irrecevabilité automatique. Le juge ne pourra écarter les pièces produites tardivement par l’appelant ou l’intimé que dans la mesure où le principe du contradictoire n’aura pas été respecté, autrement dit que les pièces n’auront pas été communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du Code de procédure civile : « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ». Rappelons enfin que l'appréciation du caractère tardif de la communication des pièces relève des constatations souveraines des juges du fond (Cass. ch. mixte 3-2-2006 n° 04-30.592 : RTD civ. 2006 p. 374).

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