Une parcelle appartenant à une société civile immobilière est expropriée partiellement. L’expropriant conteste le montant des indemnités principale et de remploi fixé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence : l’emprise expropriée étant « exclusivement à l’usage de voirie », elle aurait dû être évaluée au regard de ce seul usage, et non comme l’ont décidé les juges du fond, en considération de l’unité foncière d’origine classée en zone AU1 « vouée à l’habitat dans le futur ».
La Cour de cassation n’est pas de cet avis. En cas d'expropriation partielle, la qualification, à la date de référence, des terrains expropriés et leur éventuelle situation privilégiée s'apprécient, à cette même date :
au regard de l'entière parcelle dont l'emprise a été détachée ;
et non en fonction de la seule emprise qui résulte de l'expropriation.
La cour d’appel, après avoir exactement énoncé que la configuration à prendre en compte était celle de la parcelle dans son ensemble et non celle de l'emprise, et constaté que la parcelle partiellement expropriée était vouée à l'habitat, et non à un seul usage de parking et de voirie, a souverainement retenu les termes de comparaison qui lui apparaissaient les mieux appropriés, et calculé, en conséquence, l'indemnité devant revenir à la SCI en fonction de la superficie de la seule emprise expropriée.
A noter :
La Cour de cassation avait déjà jugé que, en cas d’expropriation partielle d’une parcelle, la qualification de terrain à bâtir (C. expr. art. L 322-3) devait être appréciée en tenant compte de la situation de l’unité foncière d’origine et non de la situation de l’emprise partielle expropriée (Cass. 3e civ. 7-1-2016 n° 14-24.969 : AJDI 2016 p. 211). Elle avait ainsi censuré une cour d’appel qui avait refusé d’accorder une telle qualification à l’emprise expropriée, cette dernière se trouvant éloignée de la route et des réseaux d’eau et d’électricité desservant la parcelle d’origine.
La Haute Juridiction ne s’était toutefois jamais encore prononcée, à notre connaissance, sur la situation d’un terrain partiellement exproprié situé en situation privilégiée. Rappelons que si un terrain ne peut pas être qualifié de terrain à bâtir, le juge peut toutefois relever qu'il bénéficie d'une situation privilégiée (Cass. 3e civ. 1-12-1993 n° 92-70.457 ; Cass. 3e civ. 14-4-1999 n° 98-70.079). Pour que l'indemnité d'expropriation d'un terrain soit fixée en tenant compte de sa situation privilégiée, il faut démontrer qu'il présente des caractéristiques particulières (Cass. 3e civ. 20-1-2015 n° 13-15.543 : BPIM 2/15 inf. 107). Ce peut être le cas lorsque les parcelles expropriées sont situées à proximité d'une zone fortement urbanisée (Cass. 3e civ. 10-10-1995 n° 94-70.252 ; Cass. 3e civ. 23-9-2020 n° 19-20.431 : BPIM 6/20 inf. 382) ou, comme en l’espèce, lorsque le terrain est classé en zone « vouée à l’habitat dans le futur ». La situation privilégiée s'apprécie, comme le rappelle ici la Haute Juridiction, à la date de référence qui est, en principe, un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique (C. expr. art. L 322-2 ; Cass. 3e civ. 30-1-2019 n° 17-31.797 : BPIM 2/19 inf. 103).
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation transpose aux terrains en situation privilégiée la solution dégagée en matière de terrain à bâtir. L’indemnité sera donc fixée en fonction de la qualification de la parcelle d’origine et, précision inédite mais logique, de « la superficie de la seule emprise » expropriée. Cette solution est protectrice des intérêts de l’exproprié.
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