Dans le contentieux de l’autorisation environnementale, lorsqu’un vice affectant l’autorisation peut être régularisé par une autorisation modificative, le juge administratif peut surseoir à statuer jusqu’à l’expiration d’un délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative lui est notifiée dans ce délai, le juge statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (C. envir. art. L 181-18, I, 2°).
Jugé que la faculté de surseoir à statuer en vue de la régularisation du vice relève du pouvoir propre du juge. Cette faculté n’est donc pas subordonnée à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu’il n’est pas saisi de conclusions en ce sens, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n’y est pas tenu, son choix relevant d’une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, le juge doit mettre en œuvre son pouvoir de fixer un délai pour la régularisation des vices de l’autorisation attaquée qui sont régularisables.
Le Conseil d’État a déjà, plusieurs fois, précisé les contours de ce pouvoir de régularisation confié au juge de l’autorisation environnementale (CE avis 22-3-2018 n° 415852, Association Novissen : BPIM 3/18 inf. 169 ; CE avis 27-9-2018 n° 420119, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural : BPIM 5/19 inf. 307).
La question du pouvoir de régularisation du juge se pose aussi dans le contentieux des autorisations d’urbanisme. Dans sa rédaction initiale, issue de l’ordonnance 2013-638 du 18 juillet 2013, l’article L 600-5-1 du Code de l’urbanisme prévoyait que le juge administratif « qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation ». Sous l’empire de cette rédaction, le Conseil d’État avait opté pour l’absence de tout contrôle du juge de cassation sur l’usage de cette faculté si aucune partie ne le demandait (CE 6-12-2017 n° 405839 Sté Nacarat Saint-Jean) et pour un contrôle de dénaturation dans le cas contraire (CE 28-12-2017 n° 402362, 402429 , Sté PCE : BPIM 1/18 inf. 17). Mais la loi Élan 2018-1021 du 23 novembre 2018 a remplacé « peut surseoir à statuer » par « sursoit à statuer ».
Dans le contentieux de l’autorisation environnementale, l’article L 181-18 du Code de l’environnement, quant à lui, prévoit, comme la version initiale de l’article L 600-5-1 du Code de l’urbanisme, que le juge « peut surseoir à statuer ». L’arrêt commenté adopte la solution de l’arrêt « Sté Nacarat Saint-Jean » en l’absence de demande d’une partie, à savoir une complète liberté du juge du fond. Mais en présence d’une demande, il s’écarte de la solution de l’arrêt « Sté PCE » en prévoyant une obligation pour le juge (au lieu d’une liberté sous un contrôle du juge de cassation limité à la dénaturation). La jurisprudence doit encore se prononcer sur l’application de l’article L 600-5-1 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction issue de la loi Élan : compte tenu de la rédaction désormais impérative de ce texte, le juge est certainement tenu de surseoir à statuer en vue d’une régularisation si cela lui est demandé, mais peut-être aussi en l’absence de demande.
Pour en savoir plus sur cette question : voir : Mémento Urbanismme-Construction n° 21686