Une personne ayant collaboré avec un institut de formation de mars 2001 à juin 2018 saisit le conseil de prud’hommes le 28 septembre 2018 d’une demande de reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail et de diverses demandes salariales et indemnitaires. Déboutée en première instance, elle obtient partiellement satisfaction devant la cour d’appel. Son statut d’enseignante en CDI est reconnu, la rupture intervenue le 20 juin 2018, annulée, sa réintégration, prononcée ; une indemnité d’éviction lui est allouée, ainsi que des rappels de salaires, de primes et d’indemnité au titre des congés payés 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018.
Toutefois, l’enseignante réclamait des indemnités compensatrices de congés payés à compter de la période de référence 2005-2006. Déboutée sur ce point par la cour d’appel en application de la jurisprudence classique de la Cour de cassation, elle forme un pourvoi et permet à la Haute Juridiction de faire évoluer sa jurisprudence dans le sens fixé par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
La prescription court à l’expiration de la période de prise des congés…
Le paiement des indemnités de congés payés étant soumis aux règles applicables au paiement des salaires (C. trav. art. D 3141-7), l’action en paiement est soumise à la prescription triennale de l’article L 3245-1 du Code du travail applicable aux salaires.
Selon ce texte, dans sa version applicable depuis le 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat. Auparavant, c’est la prescription quinquennale issue de l’article 2224 du Code civil qui s’appliquait.
En jugeant prescrite la demande d’indemnité de congés payés afférente à des périodes de référence antérieures aux 3 années couvertes par la prescription triennale, la cour d’appel a fait application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle le point de départ de la prescription de l’action en paiement de l’indemnité de congés débute à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés auraient pu être pris (Cass. soc. 14-11-2013 n° 12-17.409 FS-PB ; Cass. soc. 29-3-2017 n° 15-22.057 F-D).
… si l’employeur a mis le salarié en mesure d’exercer ce droit
La jurisprudence européenne s’oppose à la perte des congés si l’employeur a été défaillant
Dans un arrêt du 22 septembre 2022, la CJUE a jugé que la perte du droit au congé annuel payé à la fin d’une période de référence, ou d’une période de report, ne peut intervenir qu’à la condition que l’employeur ait mis le travailleur en mesure d’exercer ce droit en temps utile (CJUE 22-9-2022 aff. 120/21).
La chambre sociale complète sa jurisprudence
Tirant les enseignements de cet arrêt de la CJUE, la chambre sociale juge désormais que, lorsque l'employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l'indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.
Le juge doit vérifier si l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement
La chambre sociale censure l’arrêt d’appel pour violation de la loi. Elle reproche au juge du fond de ne pas avoir constaté que l’employeur justifiait avoir accompli les diligences mises à sa charge par le Code du travail. Le juge devra donc vérifier que l’employeur est bien en mesure d’opposer la prescription à l’action du salarié. À défaut, la prescription n’aura pas commencé à courir.