Une société demande à l'office finlandais de la propriété intellectuelle l'enregistrement, en tant que marque de couleur, et pour désigner de l'eau minérale, d'un signe décrit comme suit : « les couleurs du signe sont le bleu (PMS 2748, PMS CYAN) et le gris (PMS 877) ».
L'office finlandais refuse l'enregistrement de la marque faute pour la combinaison de couleurs litigieuse d'avoir acquis un caractère distinctif par l'usage, nécessaire selon lui pour l'enregistrement de couleurs à titre de marque.
La CJUE est saisie de la question préjudicielle suivante : les critères d'appréciation du caractère distinctif d'une marque de couleur sont-ils différents de ceux appliqués à propos d'autres catégories de marques ?
Non, répond la CJUE. L'enregistrement d'un signe en tant que marque – quelle que soit sa catégorie – ne peut pas être refusé au seul motif qu'il n'a pas acquis de caractère distinctif en raison de son usage, en rapport avec les produits ou les services revendiqués ; dans tous les cas, l'autorité compétente en matière de marques doit procéder à une analyse concrète et globale du caractère distinctif de la marque considérée ; cependant, la qualification donnée à un signe constitue un élément pertinent parmi d'autres pour déterminer si ce signe revêt un caractère distinctif, relève la Cour européenne : en effet, si les critères d'appréciation sont les mêmes, la perception du public n'est pas nécessairement la même lorsqu'il s'agit d'un signe constitué par une couleur en elle-même ou d'une marque verbale ou figurative, l'existence d'un caractère distinctif avant tout usage ne pouvant se concevoir, s'agissant d'une marque de couleur, que dans des circonstances exceptionnelles.
A noter : 1. Si les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs peuvent, en théorie, constituer une marque (CPI art. L 711-1), la protection d'un tel signe en tant que marque de couleur est en pratique rarement accordée, faute de caractère distinctif. Il est en effet exceptionnel qu'une couleur ou une combinaison de couleurs soit perçue par le public comme un signe identifiant – en tant que telle – l'origine commerciale de produits ou de services. Par ailleurs, et comme le soulignait ici la CJUE, l'appréciation du caractère distinctif d'une couleur ou d'une combinaison de couleurs implique de tenir compte de l'intérêt général à ne pas restreindre la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs offrant les mêmes produits et services. Par exemple, une nuance de vert ne pourrait pas être déposée pour désigner des produits écologiques (CJCE 6-5-2003 aff. 104/01 : RJDA 10/03 n° 1026).
Le caractère distinctif d'une couleur peut, en revanche, être acquis par l'usage (CPI art. L 711-2). Ainsi, Milka a pu déposer la couleur lilas et Ikea les couleurs jaune et bleue en tant que marques communautaires.
2. S'agissant de sa représentation, la nuance de couleur dont la protection est demandée doit être désignée au moyen d'un code internationalement reconnu permettant de l'identifier. Son dépôt sous forme d'un dessin figuratif en couleur, comme c'était le cas en l'espèce, ne devrait donc pas permettre l'enregistrement du signe en tant que « marque de couleur ».
Cela n'empêche pas d'utiliser des couleurs dans un dépôt de marque complexe, c'est-à-dire composée d'éléments figuratifs et textuels. Dans ce cas-là, le code international ne sera pas demandé.
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question voir : Mémento Droit commercial n° 32463