Un couple souscrit plusieurs emprunts en vue de l'acquisition de biens immobiliers situés dans des villes différentes. A la suite d’incidents de paiement, le prêteur prononce la déchéance du terme des prêts ; les emprunteurs font alors des paiements partiels mais, après une nouvelle défaillance de leur part, le prêteur prononce à nouveau la déchéance du terme des prêts et leur délivre des commandements de payer. Les emprunteurs lui opposent l'absence de respect d'ordres d'imputation des paiements. Ils font valoir notamment qu’il n’y a aucune limite au droit du débiteur de plusieurs dettes de choisir celle qu’il entend payer, qu’ils avaient voulu imputer les paiements effectués sur le prêt consenti pour l’achat de l'un des biens et que le prêteur ne pouvait pas refuser ce choix même s’il était contraire à ses propres intérêts.
L’argument est rejeté par la Cour de cassation. Si le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter, l'exercice de ce droit implique, sauf accord de son créancier, qu'il procède au paiement intégral de cette dette.
Par suite, les emprunteurs n'étaient pas fondés à se prévaloir de leur droit légal d'imputer leurs paiements : si, à l'issue de la première déchéance prononcée par le prêteur, ils avaient effectué des paiements partiels et demandé leur affectation au remboursement d'un prêt déterminé, cette affectation avait été refusée par le prêteur.
A noter : Lorsque le débiteur est tenu envers un créancier de plusieurs dettes, il a le droit de déclarer, lorsqu’il paie, quelle dette il entend acquitter (C. civ. art. 1342-10 ; ex-art. 1253). Le débiteur ne peut forcer le créancier à recevoir en partie le paiement d’une dette, même divisible (C. civ. art. 1342-4, al. 1 ; ex-art. 1244). La Cour de cassation en déduit, dans cet arrêt destiné à une large diffusion, que, si le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer celle qu’il entend acquitter, le créancier peut refuser si le paiement ne permet pas le paiement intégral de la dette, ce qu'elle avait déjà précisé dans un arrêt non publié (Cass. 1e civ. 22-1-2009 n° 07-11.403 F-D).
Il en va évidemment autrement si le créancier accepte le paiement partiel, mais tel n’était pas le cas en l’espèce.
Rappelons que le choix d’imputation du débiteur peut être tacite, s’il résulte de son comportement non équivoque (Cass. com. 9-10-2019 n° 18-15.793 F-D : D. 2019 p. 2037) et qu’il s’impose à la caution hypothécaire qui ne peut pas contester un accord entre le créancier et le débiteur prévoyant l’imputation d’un paiement partiel sur la partie non cautionnée de la dette (Cass. 1e civ. 24-10-2019 n° 18-15.852 F-PBI : BRDA 23/19 inf. 13).
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 50532