La télévision diffuse un reportage sur les pratiques d'un grand groupe agro-alimentaire, accusé de maltraiter les producteurs en pratiquant des prix trop bas. Les journalistes y comparent la situation difficile des petits producteurs avec celle, particulièrement aisée, du dirigeant de ce groupe, et divulgent des informations sur sa résidence (localisation précise et vue aérienne). Le dirigeant demande en justice l'interdiction de diffuser de nouveau la séquence concernée ainsi que des dommages et intérêts pour atteinte à sa vie privée.
Refus des juges. Si le reportage, qui permettait de localiser le domicile du dirigeant, porte bien atteinte à sa vie privée, cette atteinte doit être mise en balance avec le droit à la liberté d'expression. Pour cela, il faut notamment tenir compte de l'intérêt du reportage dans un débat d'intérêt général, de la notoriété et du comportement antérieur de la personne visée, des répercussions éventuelles de la diffusion ainsi que des circonstances des prises de vue. Or ce dirigeant est un personnage public, dont l'intégralité du patrimoine n'a pas été dévoilée (le choix de la résidence était lié à sa localisation, dans le même département que les petits producteurs). De plus, des informations sur cette résidence avaient déjà été rendues publiques par le passé, sans que le dirigeant s'y oppose. Enfin, une vue d'ensemble de sa propriété peut être visionnée sur internet, le journaliste n'ayant pas pénétré dans une propriété privée. Par conséquent, l'atteinte portée à la vie privée est justifiée par le droit à l'information du public.
À noter : Il a déjà été jugé que la diffusion de l'image d'une personne publique est possible lorsque le public a un intérêt légitime à être informé (Cass. 2e civ. 8-7-2004 n° 02-19.440 FS-PB : Bull. civ. II n° 389). Il en est de même lorsqu'il s'agit de divulguer des informations sur un bien appartenant à une personne publique.
Brigitte BROM
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Particuliers n° 67709