Un homme, de nationalité italienne et australienne, et une femme de nationalité allemande se sont mariés et ont eu une fille, née en Allemagne. Le couple et l’enfant résidant désormais en France, un homme conteste la paternité du père devant le tribunal de grande instance de Paris.
L’affaire donne lieu à une première cassation, pour un motif de procédure lié à l’autorité de la chose jugée. Les époux considèrent que la loi allemande était applicable en vertu de l’article 311-14 du Code civil, qui désigne comme loi applicable à la filiation la loi nationale de la mère. Un deuxième arrêt d’appel applique la loi française à l’action en contestation de paternité en raison du renvoi fait par la règle de conflit de lois allemande à la loi française. En effet, pour régir la contestation de paternité, la règle de conflit de lois allemande désigne soit la loi de la résidence habituelle de l’enfant, soit la loi applicable à l’établissement de celle-ci. La cour d’appel, interprétant le droit allemand, estime que cette dernière loi est la loi des effets du mariage, soit, en l’absence de nationalité commune des époux, la loi du domicile commun des époux. Domicile commun des époux comme résidence de l’enfant étant en France, la règle de conflit de lois allemande désigne la loi française et la cour d’appel accepte ce renvoi.
Un pourvoi est formé. Il conteste l’admission du renvoi s’agissant de la loi applicable à la filiation et également l’interprétation faite par les juges d’appel de la règle de conflit de lois allemande.Rejet. L’article 311-14 du Code civil énonce une règle de conflit bilatérale et neutre, qui n’exclut pas le renvoi.
À noter : 1. L’arrêt tranche une vieille controverse doctrinale à propos de la loi 72-3 du 3 janvier 1972 qui a introduit l’article 311-14 du Code civil. On rappellera que le mécanisme du renvoi en droit international privé revient à la prise en considération de la règle de conflit de lois étrangère. Si celle-ci prévoit un facteur de rattachement différent de celui retenu par la loi française, il en sera tenu compte et on appliquera la loi désignée par la règle de conflit étrangère, qu'il s'agisse du droit français (renvoi au premier degré) ou d'un autre droit étranger (renvoi au second degré). Il est admis en doctrine que le principe du renvoi doit être généralement admis, sauf s’il est inopportun ou impraticable (Rép. Dalloz intern., V° Renvoi par Y. Lequette, n° 29). Le renvoi est notamment exclu en présence d’une règle de conflit alternative ou d’une règle de conflit prévoyant un choix de loi par les parties ainsi que par de nombreuses conventions internationales ou règlements européens. L’article 311-14 étant une règle de conflit bilatérale et neutre, comme le rappelle la Haute Juridiction, rien ne s’opposait à l’admission du renvoi. La controverse doctrinale venait du fait que certains auteurs estimaient que l’admission du renvoi aurait été contraire à l’intention du législateur de 1972, et certaines juridictions du fond, dont la cour d’appel de Paris, avaient retenu cette interprétation (Rép. Dalloz intern., V° Filiation par J. Foyer, nos 362 s.).
2. L’arrêt admet le renvoi sans distinguer, ce qui signifie que le renvoi au second degré doit également être admis. Les Hauts Magistrats relèvent que le renvoi permet d’assurer la cohérence entre les décisions quelles que soient les juridictions saisies. Ceci est en réalité inexact pour le renvoi au premier degré (dans notre affaire, les juridictions allemandes appliqueraient la loi allemande en tenant compte du renvoi fait par la règle de conflit de lois française à la loi nationale). Cela le serait en revanche en cas de renvoi au second degré.
David LAMBERT, avocat à Paris, coauteur des Mémentos Droit de la famille et Successions Libéralités
Pour en savoir plus sur cette question, voir : Mémento Droit de la famille n° 73002