En vertu de l'article L 5213-6 du Code du travail, l'employeur doit prendre des mesures appropriées d'aménagements raisonnables pour permettre aux travailleurs handicapés d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins soit dispensée. Ces mesures sont prises sous réserves que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l’aide prévue à l’article L 5213-10 du même Code. Le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination.
Dans un arrêt du 15 mai 2024, la Cour de cassation apporte des éclaircissements sur le régime probatoire applicable en cas de non-respect de ces obligations.
A noter :
Le rapporteur fait valoir que l'étude des arrêts d'appel sur ce sujet révèle une confusion sur cette question, les cours d'appel se fondant tantôt sur l'obligation de reclassement et tantôt sur la discrimination. Or, le mécanisme probatoire de ces deux notions, les sanctions et le contrôle qu'exerce la Cour de cassation dessus sont discincts.
Ainsi, la notice jointe à l'arrêt rappelle qu'il convient de distinguer ce qui relève du droit de l'inaptitude et de l'obligation de sécurité, le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement privant seulement le licenciement de cause réelle et sérieuse, et ce qui relève du droit de la discrimination, dont la sanction est la nullité du licenciement.
En l'espèce, une salariée reconnue en qualité de travailleur handicapé est licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Estimant avoir été discriminée car l'employeur n'a pas mis en place de mesures d'aménagements, elle saisit les tribunaux pour obtenir la nullité de son licenciement.
Les juges d'appel font droit à sa demande. Ils retiennent que la société n'a pas respecté les obligations de l'article L 5213-6 du Code du travail, puisqu'elle n'a pas pris en compte le statut de travailleur handicapé et n'a proposé aucune mesure particulière à la salariée dans le cadre de la recherche de reclassement.
La Cour de cassation casse l'arrêt d'appel, reprochant à la cour de ne pas avoir appliqué le mécanisme probatoire de la discrimination issu de l'article L 1134-1 du Code du travail. Elle en livre un mode d'emploi en deux temps pour les juges du fond saisis d’une action au titre de la discrimination en raison du handicap. Ceux-ci doivent ainsi :
en premier lieu, rechercher si le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, tels que le refus, même implicite, de l’employeur de prendre des mesures concrètes et appropriées d’aménagements raisonnables, le cas échéant sollicitées par le salarié ou préconisées par le médecin du travail ou le comité social et économique, ou son refus d’accéder à la demande du salarié de saisir un organisme d’aide à l’emploi des travailleurs handicapés pour la recherche de telles mesures ;
en second lieu, rechercher si l’employeur démontre que son refus de prendre ces mesures est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison du handicap, tenant à l’ impossibilité matérielle de prendre les mesures sollicitées ou préconisées ou au caractère disproportionné pour l’entreprise des charges consécutives à leur mise en oeuvre.
En conséquence, si le salarié décide de fonder son action sur la discrimination, il doit dans un premier temps présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, la seule qualité de travailleur handicapé ne constituant pas, à elle seule, un tel élément.
A noter :
La Cour de cassation avait déjà jugé dans une précédente affaire que si le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le fait que l’employeur refuse de prendre les mesures pour permettre au salarié de conserver son emploi, sans justifier de leur caractère disproportionné, caractérise une discrimination liée au handicap et entraîne la nullité du licenciement (Cass. soc. 3-6-2020 n° 18-21.993 FS-PB : RJS 7/20 n° 382).