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Un DRH n’a pas le pouvoir de sanctionner son supérieur hiérarchique

Pour la connaissance par l’employeur de faits reprochés au directeur d’une succursale, point de départ du délai de prescription des poursuites disciplinaires, le DRH hiérarchiquement subordonné à ce salarié ne peut pas être assimilé à l’employeur.

Cass. soc. 26-6-2024 n° 23-12.475 F-D, F. c/ Sté CIC


Par Aliya BENKHALIFA
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©Getty Images

La date à laquelle un directeur des ressources humaines (DRH) est informé de faits commis par son supérieur hiérarchique marque-t-elle le point de départ du délai d’engagement des poursuites disciplinaires ? Telle est la question, originale, portée devant la chambre sociale de la Cour de cassation.

Rappelons que l'article L 1332-4 du Code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance. La jurisprudence a précisé que le point de départ de ce délai de prescription des poursuites disciplinaires correspond au jour où l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits reprochés au salarié (Cass. soc. 17-2-1993 n° 88-45.539 P ; CE 20-4-2005 n° 254909). Dans cette hypothèse, l’employeur s’entend également du supérieur hiérarchique, même non titulaire du pouvoir disciplinaire (Cass. soc. 23-6-2021 n° 20-13.762 FS-B ; Cass. soc. 19-4-2023 n° 21-20.734 F-D).

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 26 juin 2024, le DRH d’une succursale bancaire à Singapour a été informé le 17 juillet 2017 de rumeurs concernant le comportement inapproprié qu’aurait eu le directeur de cette succursale lors d’une soirée. C’est plus tard, le 15 mai 2018, qu’un signalement est adressé à la direction générale de la banque par une des collaboratrices victime des faits litigieux, à la suite duquel le directeur est convoqué par lettre du 28 mai 2018 à un entretien préalable s’étant soldé par un licenciement pour faute.

Le salarié conteste son licenciement en soutenant que les faits étaient prescrits à la date de l’engagement de la procédure disciplinaire car le DRH, titulaire du pouvoir disciplinaire sur le personnel de la filiale, en était informé dès 2017.

Pour rejeter cette argumentation, la cour d’appel rappelle que l'employeur est celui qui dispose de l'autorité hiérarchique sur l'auteur des manquements, qui a la qualité pour contrôler le salarié ou surveiller son activité. Elle relève que le DRH n'est ni le représentant local de l'employeur, quelles que soient son ancienneté, son expérience et son intégration locale, ni le supérieur hiérarchique du directeur de la succursale, ni titulaire du pouvoir de sanction à son encontre. D’ailleurs, le DRH était hiérarchiquement rattaché au directeur financier qui reportait lui-même au directeur de la succursale, lequel était donc son supérieur hiérarchique.

La Cour de cassation confirme que l’employeur au sens de l’article L 1332-4 du Code du travail pour la connaissance des faits fautifs s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire, mais aussi du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir.

Ici, le DRH n’était ni l’un ni l’autre à l’égard du directeur de la filiale, ce dernier étant lui-même représentant de l’employeur.

Elle approuve par conséquent la décision de la cour d’appel qui a jugé que la prescription des faits fautifs avait commencé à courir, non pas à compter du jour où des rumeurs avaient été rapportées au DRH de la succursale, mais à compter du signalement adressé à la direction générale de la banque.

A notre avis :

Même si la question n’a pas été soulevée, on peut douter que de simples rumeurs aient, en tout état de cause, pu permettre à l’employeur d’avoir une connaissance exacte de la réalité et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié. On peut également s’étonner de l’absence de réaction du DRH, que l’on devine en creux, compte tenu de l’obligation de protection de la sécurité du personnel qui lui incombe de par ses fonctions. Cependant, si le défaut de déclenchement d’une enquête et l’absence de signalement pouvaient être reprochés à un DRH informé de tels faits, ce n’était pas l’objet du litige, et il serait regrettable qu’une telle inaction, même fautive, profite à l’auteur d’un comportement inapproprié.

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Cass. soc. 26-6-2024 n° 23-12.475 F-D, F. c/ Sté CIC

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